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Reporterre
De la tente au mobil-home, le camping perd-il son âme ?
#camping #mobilHomes #business
Article mis en ligne le 31 juillet 2024
dernière modification le 29 juillet 2024

(...) La France, championne européenne de l’hôtellerie de plein air, abrite 7 450 campings. En 2023, ce mode d’hébergement a enregistré le nombre record de 142 millions de nuitées, en hausse de 4,4 % par rapport à 2022. Mais le secteur est aussi en pleine métamorphose, caractérisée par une montée en gamme, une multiplication des mobil-homes et la montée en puissance de grands groupes financiarisés.

Les « locatifs » désormais majoritaires

Difficile désormais d’échapper à ces sages alignements de maisonnettes de plastique blanc qui grignotent les parcelles en herbe. En 2023, 49 % des emplacements étaient équipés de « locatifs » — mobil-homes, chalets et autres lodges, contre 29 % en 2011. Ce mode d’hébergement est aussi devenu majoritaire en nombre de nuitées : 66,3 millions en 2023, contre 52,6 millions en emplacements nus. (...)

Les critères de classement, refondus en 2019, imposent aux campings de plus en plus d’équipements et de services. Restauration, bar et ravitaillement sur place, terrain d’activité équipé type terrain de tennis, de volley ou de pétanque et animateurs sont désormais obligatoires pour prétendre à quatre étoiles, auxquels il faut ajouter piscine et activités aquatiques ludiques type pentaglisse et club enfants pour atteindre la cinquième étoile.

« L’ouvrier qui partait un mois sous la tente, c’est fini » (...)

Des « machines à cash »

Ce modèle du camping haut de gamme est aussi très lucratif. En 2022, le chiffre d’affaires du secteur a atteint le montant record de 3 milliards d’euros, contre 800 millions d’euros en 2000. « La rentabilité des campings est désormais exceptionnelle, avec un excédent brut d’exploitation compris entre 30 et 35 % », indique Mme Merle. En permettant de cibler une clientèle plus aisée et d’étendre la saison touristique d’avril à octobre, la multiplication des locatifs a été décisive dans cette success-story. (...)

De telles perspectives aiguisent les appétits de grands groupes. Apparus au début des années 2000, les Homair, Huttopia, Capfun et autres Sandaya ne possèdent que 874 campings en France mais représentent 60 % du chiffre d’affaires du secteur. Souvent épaulés de fonds d’investissement, ils rachètent des terrains municipaux ou des parcelles privées et les transforment à leur goût. (...)

Les campings une ou deux étoiles — 29 % des campings en France — ou de moins de 70 emplacements — 40 % des campings —, eux, disparaissent. « Malheureusement, entre 70 et 100 campings ferment chaque année, principalement des municipaux et des petits », signale M. Dayot. La moitié des campings ruraux ont été rayés de la carte en dix ans.

Les associations historiques, qui ont joué un rôle majeur dans le développement du camping en France, sont à la peine. (...)

Le seul à résister à peu près est le Groupement des campeurs universitaires de France, créé en 1937 par des militants de la Maif, qui continue de gérer une centaine de campings sur tout le territoire. « Leur stratégie est de déclasser leurs terrains et de limiter au maximum l’installation de mobil-homes pour échapper aux normes imposées par l’hôtellerie de plein air, tout en maintenant une organisation autogestionnaire et une politique militante d’accueil des jeunes et des classes populaires », observe M. Sirost.

Une clientèle française qui stagne (...)

Face à ces difficultés, l’agrandissement et la montée en gamme peuvent sembler inéluctables. Sauf qu’ils abandonnent les classes populaires à la porte du mobil-home. (...) C’est toute une clientèle historique et fidèle qui risque de disparaître. (...)

D’autres catégories de campeurs pourraient ne plus trouver leur compte dans ce modèle. C’est le cas des itinérants — qui changent de camping tous les soirs — mais aussi des Néerlandais, Allemands, Belges, Britanniques, Suisses, adeptes de la tente ou du van. Quant à la clientèle CSP+ ciblée par les groupes, elle est certes rémunératrice, mais volage. (...)

Au-delà de ces considérations économiques, le camping risque-t-il de perdre son âme ? « Il y a moins ce côté partage. On le voit dans notre camping, les gens en mobil-home se mélangent moins aux autres », raconte le gérant du camping de l’Isle de Presle. M. Sirost, lui, a recueilli les témoignages de « gens âgés de classes moyenne et populaire férus de nature et d’évasion qui vont désormais en Europe de l’Est, sur la côte dalmate, pour installer leur caravane où bon leur semble et retrouver la liberté des débuts ». (...)

Des campeurs et campeuses ont écrit à Reporterre pour témoigner de leur nostalgie pour le camping de leur enfance et de leur amour pour une vie simple, au grand air. (...)

Sauver le « vrai camping »

Alors, la résistance s’organise. En février 2023, un collectif de 65 propriétaires de camping baptisé « Sauvons le vrai camping » a lancé une pétition pour exiger une proportion minimale d’emplacements nus — « entre 25 et 35 % », précise M. Lemercier, qui fait partie des initiateurs du texte.

Le collectif propose d’introduire ce quota comme 196ᵉ critère à la grille de classement ou d’augmenter la TVA sur les campings qui ne proposent que des locatifs. La pétition a obtenu 39 735 signatures, mais a été fraîchement accueillie dans le milieu. (...)

Quant à la ministre du Tourisme démissionnaire Olivia Grégoire, elle n’a pas donné suite aux sollicitations des pétitionnaires.