Alors que des groupes d’extrême droite multiplient les actions, le ministre de l’intérieur a proposé la dissolution de trois d’entre eux. Une annonce symbolique et une fermeté affichée qui tranchent avec ses silences passés et les discours qu’il tient pour défendre son projet de loi immigration.
Un homme, deux discours. Alors que des groupes d’extrême droite multiplient, ces derniers jours, les actions punitives et racistes, Gérald Darmanin s’est exprimé mardi 28 novembre, sur France Inter puis à l’Assemblée nationale, pour condamner ces « mobilisations ». « Je ne laisserai aucune milice, qu’elle soit d’extrême droite ou de n’importe quel courant radical, faire la loi à la place des procureurs de la République, des policiers et des gendarmes », a-t-il indiqué, en expliquant que la France avait évité « un scénario de petite guerre civile ».
Le ministre de l’intérieur a également annoncé avoir engagé une procédure de dissolution contre trois de ces groupes (...)
Outil administratif conçu contre les groupes factieux, la dissolution est avant tout utilisée comme une arme de communication et de neutralisation politique. Comme Mediapart l’a déjà raconté, le rythme des procédures s’est accéléré depuis l’arrivée de Gérald Darmanin Place Beauvau. (...)
Comme l’expliquait à Mediapart un ancien des services de renseignement, la dissolution ne peut fonctionner que si elle s’accompagne d’un « suivi des services de renseignement d’une part, et [d’]une action judiciaire d’autre part (condamnations, etc.) ».
Or, trop souvent en de pareils cas, l’intention du gouvernement fut d’abord médiatique et symbolique, sans s’accompagner d’un suivi réel, ce qui a permis à certains groupes d’extrême droite de se reconstituer sous un autre nom (...)
Trente-trois groupes dissous sous la présidence Macron (...)
La fermeté des propos tenus mardi par Gérald Darmanin tranche considérablement avec la liste de ses silences concernant les nombreuses irruptions violentes de l’extrême droite à travers le pays. Occupé à communiquer sur le « terrorisme intellectuel d’extrême gauche », l’« écoterrorisme » ou l’« ensauvagement » de la société, le ministre de l’intérieur s’est surtout employé, au cours des dernières années, à renvoyer dos à dos, l’extrême droite et ce qu’il aime à qualifier d’« extrême gauche », selon la rhétorique désormais installée du pouvoir macroniste.
Lien entre « insécurité » et « immigration » (...)
. « Les étrangers représentent 7 % de la population française et commettent 19 % des actes de délinquance. Refuser de le voir, ce serait nier le réel », avait-il indiqué au Figaro, en août 2022, pour justifier sa réforme sur l’immigration. Des propos qui avaient d’ailleurs permis à Marine Le Pen d’expliquer que Gérald Darmanin donnait raison au Rassemblement national (RN) sur « un certain nombre de sujets essentiels ».
Souhaitant faire passer son projet de loi sans recourir à l’article 49-3 de la Constitution, le ministre de l’intérieur continue de donner des gages à la droite Les Républicains (LR), dont les idées se confondent avec celles de l’extrême droite (...)
Non content de s’être illustré en jugeant Marine Le Pen « trop molle », en citant Jacques Bainville, figure de l’Action française et ami de Maurras, en plein hémicycle au Palais-Bourbon ou en accusant le joueur de football Karim Benzema d’être « notoirement proche des Frères musulmans » sans aucun élément, Gérald Darmanin est aussi le premier ministre de poids du gouvernement à s’être exprimé dans les colonnes du Journal du dimanche depuis l’arrivée à la tête de l’hebdomadaire du journaliste d’extrême droite Geoffroy Lejeune.
C’est ce même journal qui, un petit mois après cet « entretien exclusif », décidera de titrer sur les « prénoms des majeurs gardés à vue dans l’enquête » sur le meurtre de Thomas. Comme il l’avait fait en débattant cordialement avec Éric Zemmour, définitivement condamné à deux reprises pour provocation à la haine, le ministre de l’intérieur a ainsi largement alimenté l’entreprise de normalisation de l’extrême droite dans l’espace public. Celle-là même qui se sent aujourd’hui autorisée à descendre dans les rues.