
Le 23 juillet 2025, le Groupe de travail sur le commerce, les marchés et les revenus, créé au sein du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP), a organisé un webinaire mondial afin de faire avancer une analyse et une vision collectives pour un nouveau système commercial fondé sur la souveraineté alimentaire.
Coordonné par La Via Campesina et le ROPPA (Réseau des paysans et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest), avec le soutien de Focus on the Global South et Terra Nuova, cet événement a réuni près de 120 participants de tous les continents. Le webinaire a permis d’examiner comment le système commercial international actuel nuit aux petits producteurs alimentaires, aux pêcheurs, aux migrants et aux économies locales, et de proposer collectivement un cadre alternatif fondé sur la souveraineté alimentaire, la justice, l’internationalisme, le multilatéralisme et la solidarité.
Contexte et intentions
Organisé en amont du prochain Forum mondial Nyéléni au Sri Lanka, le webinaire visait à élaborer une stratégie politique commune entre les mouvements populaires, les organisations de la société civile et leurs alliés. (...)
Au-delà de l’OMC : proposer un nouveau cadre fondé sur la souveraineté alimentaire
Une partie importante du webinaire a été consacrée à l’élaboration d’un nouveau système commercial fondé sur la souveraineté alimentaire.
Morgan Ody, de La Via Campesina, a présenté les éléments d’un projet de cadre inspiré de la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans (UNDROP). Elle a souligné le potentiel d’institutions telles que la FAO et la CNUCED pour offrir des espaces de dialogue et de gouvernance plus démocratiques que l’OMC.
Depuis la conférence ministérielle de l’OMC en 2022, La Via Campesina plaide en faveur d’un processus mondial visant à établir un cadre alternatif. Après des années de consultations internes, le mouvement a élaboré une série de propositions initiales, qu’elle a présentées en invitant à une contribution et à une collaboration plus larges.
Les points clés du projet de cadre sont les suivants :
Principes fondamentaux : le commerce doit donner la priorité aux droits des personnes, des communautés et des écosystèmes plutôt qu’au profit. Sur la base de la définition de la souveraineté alimentaire donnée par Nyéléni, le cadre doit être conforme aux droits humains et appliquer des principes cohérents au sein des pays et entre eux.
- Souveraineté démocratique : chaque pays doit avoir le droit de définir ses propres politiques alimentaires et agricoles. Les institutions des Nations unies telles que la FAO, le CSA et le FIDA doivent soutenir ce droit.
- Commerce régional : le commerce doit donner la priorité aux chaînes d’approvisionnement régionales, et non transcontinentales, afin de raccourcir les systèmes alimentaires et de stabiliser les marchés.
- Marchés équitables : les petits producteurs doivent avoir accès à des mesures de soutien des prix et à des garanties de revenus. La protection du travail, des salaires équitables et un observatoire public pour la transparence des prix sont essentiels.
- Interdiction des pratiques néfastes : le dumping, les subventions aux entreprises agroalimentaires et le commerce spéculatif doivent être interdits.
- Monnaie et solidarité : le commerce doit dépasser la dépendance aux monnaies dominantes, soutenir des échanges équitables et rejeter la dette néolibérale et l’aide conditionnelle.
- Défense des biens communs : le commerce doit protéger la terre, l’eau, la biodiversité et les biens communs ; faire progresser la réforme agraire ; et favoriser une gestion collective, autochtone et agroécologique, libre du contrôle des entreprises et des stratégies de « greenwashing ». (...)
Vers Nyéléni et au-delà
Tout au long du webinaire, les intervenants ont souligné que la justice commerciale ne peut être dissociée des luttes plus larges pour la justice climatique, la justice de genre, la souveraineté économique et le contrôle démocratique. La construction d’un nouveau système commercial ne se résume pas à des politiques, il s’agit d’un transfert de pouvoir.
Le prochain Forum Nyéléni a été identifié comme un espace essentiel pour approfondir la convergence entre les mouvements, affiner les propositions et faire avancer une stratégie mondiale commune en faveur de la souveraineté alimentaire.