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Mediapart/La lettre enquête (accès libre)
COULISSES. Sarkozy, Le Pen : faut-il participer au cirque médiatique ?
#Sarkozy #LePen #medias
Article mis en ligne le 8 avril 2025

Y aller ou pas ? La question se pose régulièrement à Mediapart. Mais rarement autant que cette semaine après la condamnation de Marine Le Pen. Faut-il se rendre sur les plateaux de télévision et participer à ce qui ressemble souvent à un cirque médiatique ?

Fabrice Arfi, coresponsable du pôle enquête, et Marine Turchi, qui a corévélé l’affaire des assistants du Front national, ont logiquement été très sollicité·es ces derniers jours.

Pas après le réquisitoire demandant sept ans de prison ferme pour Nicolas Sarkozy – « seul l’avocat de l’ancien président a été invité partout pour dire à quel point le dossier était vide », s’étonne Fabrice Arfi.

Depuis lundi, en revanche, les téléphones ont beaucoup vibré. Non pas pour parler de la gravité des faits reprochés au parti d’extrême droite ou de la condamnation de son ancienne patronne à de la prison ferme. Mais pour « débattre » de la fameuse inéligibilité immédiate qui a été prononcée.
À Mediapart, décision a été prise de ne plus nous rendre dans les médias du groupe Bolloré, qui ont abandonné l’information au profit de la propagande.

Pour le reste, on discute, on réfléchit. Et ensuite, les journalistes décident en leur âme et conscience. « On n’a pas envie de servir de caution et en même temps, on a envie de défendre notre travail et même, tout simplement, les valeurs républicaines »,explique Fabrice Arfi.

Aussi étrange que cela puisse paraître, les deux journalistes n’ont pourtant pas trop eu l’occasion de parler du contenu de nos enquêtes : ils ont dû se muer en porte-voix de la magistrature. « On a plus défendu la justice que notre travail, alors qu’on n’est pas les porte-parole de l’institution judiciaire, pas plus que nous ne sommes des opposants politiques. Ce n’est ni notre boulot ni notre plaisir », regrette Fabrice Arfi.

Mais ce rôle-là n’étant tenu par personne, la présidente du tribunal et les magistrat·es non syndiqué·es n’ayant pas le droit de s’exprimer, c’est comme si Mediapart était condamné à les remplacer. « Nous, on aimerait juste rappeler la teneur des faits », explique Marine Turchi. (...)

Mediapart ne peut pas rester dans sa bulle et ne parler qu’à des convaincu·es. « On s’est retirés de Twitter et c’est très bien, vu ce que c’est devenu, explique Marine Turchi. Mais il faut quand même qu’on arrive à s’adresser à un public plus large, et notamment l’électorat d’extrême droite. Après des passages sur de grosses chaînes comme BFMTV, j’ai reçu des messages de gens avec qui j’étais au collège dans mon village natal, loin de Paris, dont je n’avais pas de nouvelles depuis trente ans. Refuser la télé, c’est s’empêcher de toucher un public qui, sinon, n’aura jamais accès à nos explications. Même si c’est deux minutes, ce sont des capsules uniques de pédagogie et d’information qui circulent ensuite sur les réseaux sociaux, au-delà de ce qu’on peut expliquer dans nos colonnes ou dans notre émission “À l’air libre”. »

À condition de parvenir à se faire entendre : « Oui, on a parfois l’impression avec ces débats d’entrer dans le tambour de la machine médiatique. On en sort essorés, fatigués, frustrés, témoigne Fabrice Arfi. Mais c’est important qu’il y ait quand même des porte-drapeaux de la lutte contre la corruption qui s’expriment. Moi j’y vais en tentant de faire passer trois idées forces à partir des faits. Calmement. S’énerver ne sert à rien. »

Marine Turchi acquiesce : « Les faits, les faits, les faits. Je m’interdis toute ironie et toute agressivité. Avec le temps, on apprend à ne pas se laisser interrompre. On parle plus lentement pour garder la parole, ou on annonce une démonstration en deux temps. » Fabrice Arfi, lui, fait des signes de la main pour tenter d’empêcher les autres intervenants de le couper. (...)

Fabrice Arfi est invité mardi prochain sur BFMTV à l’occasion de la fin du procès de Nicolas Sarkozy. « Je leur ai dit que je réservais ma réponse. Non seulement je n’ai pas envie de servir de caution, mais en plus c’est quand même la chaîne du crash journalistique autour de la fausse rétractation de Ziad Takieddine. On peut se tromper, ça peut arriver. Mais eux ne s’en sont jamais expliqués. Et en même temps, si je n’y vais pas, qui sera là pour rappeler les faits ? »