
Efficacité douteuse pour certaines, contraintes démultipliées… Reporterre a décortiqué les idées reçues sur les contraceptions dites « naturelles ».
(...) Il y a votre amie archiconvaincue qui vous assure avoir renoué avec ses émotions et sa libido depuis qu’elle a troqué ses pilules contre un thermomètre ; votre gynéco plus que méfiant qui vous conseille plutôt un stérilet hormonal ; votre collègue qui vous rapporte que deux de ses copines sont tombées enceintes en utilisant des applications de suivi de cycle.
Dans cette cacophonie, difficile de se forger un avis sur les méthodes de contraception dites « naturelles ». Reporterre a essayé d’y voir plus clair.
Contraceptions « naturelles » : de quoi parle-t-on ?
Il s’agit de méthodes basées sur la détermination de la période fertile de la femme. Rappelez-vous, c’étaient vos cours de biologie de terminale. Le cycle démarre au premier jour des règles. S’ensuit une phase préovulatoire, durant laquelle plusieurs follicules se développent dans les ovaires. L’un d’eux finit par libérer un ovocyte : c’est l’ovulation.
Vient ensuite la phase lutéale, de préparation de l’utérus à la grossesse au cas où il y aurait eu fécondation de l’ovule par un spermatozoïde. Si la fécondation n’a pas lieu, l’endomètre, douillet matelas utérin destiné à accueillir l’embryon, est évacué au cours des règles — et commence un nouveau cycle.
Les spermatozoïdes pouvant survivre jusqu’à 5 jours et l’ovocyte environ 24 heures, la période de fertilité est d’à peu près 6 jours par cycle. De ce constat sont nées deux grandes « familles » de contraceptions dites « naturelles ». La plus ancienne — méthode Ogino-Knaus ou méthode du calendrier — repose sur un calcul statistique : dans l’hypothèse où un cycle dure en moyenne 28 jours et que l’ovulation survient 14 jours avant les règles, mieux vaut éviter les rapports non protégés entre le 11e et le 15e jour.
La plupart des applications telles Flo et Clue s’inspirent de ce principe très décrié par les professionnels de santé — il parie sur des cycles parfaitement réguliers, ce qui est rarement le cas — et qualifié de « traditionnel » (comprendre non scientifique) par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). (...)
Les techniques symptothermiques (M Fertilité, Sensiplan) couplent l’analyse de la glaire et le thermomètre, la température corporelle augmentant sensiblement après l’ovulation. L’idée est la même : identifier les six jours fertiles et éviter les rapports non protégés durant cette période.
Est-ce que ça marche ?
C’est la question qui fâche. Dans son rapport Planning familial réédité en 2022, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) énumère les taux de grossesse au bout d’un an pour chacune des méthodes, en pratique « correcte et régulière » (c’est-à-dire en théorie) et « courante » (dans la vraie vie, en incluant donc oublis, méthodes mal réalisées, etc.).
Ainsi, les taux associés aux techniques basées sur le calendrier sont de 5 % de grossesses en pratique correcte et régulière, et de 12 % en pratique courante. Du côté des méthodes basées sur les symptômes, ils sont de 4 et 14 % pour la méthode des deux jours, de 3 et 23 % pour les méthodes d’ovulation (dans lesquelles l’OMS classe la méthode Billings) et de >1 % et 2 % pour la méthode symptothermique.
La méthode du retrait, ou coït interrompu, est peu fiable, avec un taux de grossesse de 20 % à un an d’utilisation courante. (...)
En résumé : seule la méthode symptothermique est réellement efficace, avec un taux de grossesse à un an comparable, voire inférieur, aux méthodes médicalisées.
D’où la réticence du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) : « Pour une femme ne souhaitant absolument pas être confrontée à une situation de grossesse non prévue, ces méthodes ne sont pas vraiment recommandables », explique à Reporterre Geoffroy Robin, secrétaire général de l’organisation.
Moins de contraintes ? Faux (...)
le CNGOF rapporte un taux d’abandon à un an plus élevé pour la « méthode de connaissance de l’ovulation » (48 %) que ceux d’autres contraceptions — 15 % pour les stérilets au cuivre et hormonaux, 30 % pour les pilules —, sans qu’on sache toutefois s’il est lié à son niveau de contrainte.
Par ailleurs, ces méthodes ne protègent pas contre les maladies sexuellement transmissibles, contrairement aux préservatifs pour hommes et pour femmes.
Quelles formations ?
Il est absolument indispensable de bien se former, insistent en chœur Marion Vallet et Laurène Sindicic, également formatrice à la méthode Sensiplan et fondatrice de la plateforme de formation en ligne Émancipées.
Les associations, catholiques pour la plupart, ont longtemps eu le monopole de la transmission (...)
La documentation en ligne, elle, n’est pas toujours appuyée scientifiquement.
Une autre difficulté est que ces formations sont longues et souvent coûteuses (...)