
Accusations de maltraitance, conditions de travail et de sécurité mises en question… que se passe-t-il chez Emmaüs, où la révolte gronde chez les compagnons ? Pour en savoir plus, un journaliste de "Complément d’enquête" a tenté d’intégrer une communauté où une trentaine de bénévoles ont démissionné.
Soixante-dix ans après l’appel de l’abbé Pierre, que reste-t-il du modèle de solidarité d’Emmaüs en faveur des plus démunis ? Dans toute la France, ce sont 122 communautés qui hébergent "sans condition" des centaines de familles, dont 60% d’étrangers sans papiers. En échange du gîte, du couvert et d’un modeste pécule, ces "compagnons" réparent et vendent vieux vélos, meubles ou vêtements d’occasion. Mais depuis un an, certaines communautés sont secouées par un mouvement de grève, aux cris de "Emmaüs y’en a marre, l’esclavage c’est fini !"
Que se passe-t-il chez Emmaüs pour que l’une des associations préférées des Français se retrouve sur le banc des accusés ? En cinq mois, les journalistes ont discuté avec près de 80 compagnons, salariés ou bénévoles, qui les ont alertés sur une quinzaine de sites à problèmes. Dans le centre de la France, par exemple, une trentaine de bénévoles ont démissionné, dénonçant les conditions de vie des compagnons.
Pour en savoir plus sur le quotidien de cet Emmaüs, un journaliste de l’équipe de "Complément d’enquête", équipé d’une caméra discrète, se présente comme un jeune sans-abri. Il est très bien accueilli. La communauté est au complet, mais il est invité à rester manger et pourra passer trois nuits dans une chambre partagée réservée aux gens de passage. Rapidement, les responsables lui proposent de travailler pour 90 euros par semaine, en liquide. Une façon de le tester avant de lui faire, peut-être, intégrer la communauté… ce qui est contraire au principe d’accueil inconditionnel de l’abbé Pierre.
Huit heures par jour, comme les compagnons, le journaliste va participer à leurs "activités solidaires", sans être formé ni même guidé, et hors de tout cadre légal. L’environnement de travail est dangereux, notamment un espace de rangement en hauteur dépourvu de garde-corps. Entre les bennes et les montagnes de déchets, chacun se débrouille comme il peut, sans consignes, avec de vieux gants de ski pour tout équipement de sécurité.
Des compagnons abîmés par des tâches éprouvantes
Ce travail en extérieur, éprouvant, nécessite de porter des charges lourdes. L’un des compagnons confie tenir à coups de Doliprane et de Tramadol. Il affirme que s’il refuse de porter ces charges, il sera envoyé dans une autre communauté ou tout simplement mis dehors. (...)
"Complément d’enquête". Emmaüs : "Rendez-nous l’abbé Pierre !" (video, 1h12’46)
La direction de l’association est accusée de maltraitance par une partie des "compagnons" qu’elle a sortis de la misère, et certains responsables sont pointés du doigt : détournement de fonds, conditions de travail dangereuses, logements insalubres ou harcèlement... "Complément d’enquête" sur la face cachée d’Emmaüs. (...)