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Communiqué unitaire suite à la décision de la CEDH sur l’interdiction d’achat d’actes sexuels
#prostitution #femmes #CEDH
Article mis en ligne le 20 août 2024
dernière modification le 18 août 2024

Nous nous félicitons de la décision de la Cour Européenne des droits de l’Homme de rejeter la demande d’abrogation de la pénalisation des clients de la prostitution contenue dans la loi française de 2016. Cette demande avait été portée par un collectif de « travailleurs∙euses du sexe » qui affirmait que la loi portait atteinte à leurs droits et à la vie privée des clients.

Adoptée en 2016 après plusieurs années de mobilisations féministes, cette loi vise à mettre fin à la violence machiste que constitue la prostitution. Elle dépénalise les personnes en situation de prostitution (fin du délit de racolage) et leur reconnait le statut de victime. Elle repose sur quatre piliers : répression accrue des proxénètes, amélioration de la prise en charge des victimes de la prostitution, responsabilisation des clients par la pénalisation et des stages de sensibilisation, et prévention auprès de la société, notamment des jeunes.

Cette loi est une victoire féministe et sociale contre le système patriarcal. La prostitution est une violence sexuelle extrême qui touche surtout les femmes pauvres, isolées, migrantes, sans-papiers, mineures et trans, dont la vulnérabilité est exploitée. Les témoignages des survivantes, telle que se nomment celles qui en sont sorties, montrent qu’il n’y a pas de liberté et que l’idée de consentement est biaisé dans un acte sexuel imposé par l’argent. Une sexualité épanouie devrait reposer sur le désir et le consentement, non sur la contrainte financière et/ou administrative.

La loi de 2016 ne doit pas être abrogées. Il est crucial de protéger les personnes prostituées, démanteler les réseaux et responsabiliser les clients, car sans eux, la prostitution n’existerait pas.

Cependant, la loi de 2016 doit être renforcée, notamment sur le volet social. Il faut revaloriser l’aide à la sortie de la prostitution (AFIS) et financer les associations qui accompagnent les personnes prostituées. Les parcours de sortie doivent être accessibles partout, sans restriction dans l’attribution des titres de séjour dont la durée doit en outre être allongée, avec une garantie d’accès à la formation, l’emploi, le logement, la santé et les minima sociaux dès 16 ans.

L’application du volet préventif de la loi est aussi prioritaire. L’absence de parole forte de la part de l’État laisse la place à un courant ultra-libéral qui assène au sein des institutions, de la presse et du mouvement social, l’idée que « le sexe » pourrait être un travail comme un autre. De nombreux contenus sur les réseaux sociaux mettent en avant l’argent soi-disant facile ainsi que l’épanouissement professionnel que procurerait cette activité, et permettrait l’émancipation financières des mineur-es. Pour lutter contre ces discours dangereux, il est en particulier essentiel qu’une sensibilisation systématique soit effectuée dans les établissements scolaires, comme la loi le prévoit. Les inégalités sociales doivent de plus absolument être combattues, personne ne devrait avoir à se prostituer pour survivre.
La lutte contre le système prostitutionnel est un enjeu de taille pour l’ensemble des femmes, pour l’égalité femmes/hommes et pour le respect des droits humains.

Lire aussi :

 (Alternatives Economiques/ Maud Simonet sociologue, chercheuse au CNRS à l’IDHES-Nanterre )

Prostitution et syndicats : au nom du féminisme, l’invisibilisation des travailleur.ses ?

(...) Dans une récente tribune, les associations soutiens des requérant.es réitèrent pourtant le fait que « la pénalisation ne protège pas les personnes exerçant le travail sexuel, quelle que soit leur situation. Au contraire… »

Elle entraîne en effet selon cette tribune une dégradation de leur santé, les expose à plus de clandestinité, plus de risques de contamination au VIH/sida et autres infections, ainsi que plus de violences sexuelles et sexistes.

Citant une étude publiée dans The Lancet en 2017, les associations rappellent que les 10 pays criminalisant le travail sexuel (répression directe ou indirecte) en Europe sont ceux qui connaissent des taux de prévalence au VIH chez les travailleuses et travailleurs du sexe huit fois supérieurs (environ 4 %) aux 17 pays où celui-ci est légal (environ 0,5 %).

Elles soulignent également combien cette mesure va à l’encontre des recommandations des grandes agences onusiennes mais également des institutions françaises de protection des droits fondamentaux comme la commission nationale des droits de l’homme ou le Défenseur des droits.

A la différence de la CEDH, dont les associations dénoncent le verdict « délétère », mais qui a au moins le mérite d’engager le débat sur les conditions de travail, le silence total du communiqué syndical sur cet enjeu, pourtant au cœur du recours juridique, interroge.

Interroge également le refus des syndicats de qualifier les personnes qui exercent cette activité de travailleuses et travailleurs, le terme de « travailleur.ses du sexe » n’apparaissant qu’une seule fois, et entre guillemets, pour désigner les personnes ayant porté le recours devant la CEDH.

Il semblerait ainsi que la volonté unitaire des syndicats de ne pas reconnaître le travail du sexe comme un travail – mais uniquement comme une violence faite aux femmes – compte plus que les conditions matérielles de travail et de vie des personnes qui, de gré ou de force, l’exercent, et de ce qu’elles ont à en dire.

L’objet du syndicalisme n’est-il pas, pourtant, de représenter et de défendre les intérêts de la classe laborieuse dans toutes ses composantes telle qu’elle existe, ici et maintenant ? Ce « déni de travail » n’apparaît-il pas d’autant plus problématique d’un point de vue syndical que, pour reprendre les termes mêmes du communiqué, « la prostitution » concernerait « surtout les femmes pauvres, isolées, migrantes, sans-papiers, mineures et trans » ?

Une invisibilisation des travailleureuses… au nom du féminisme ? (...)