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Comment les Vietnamiens sont devenus parmi les principaux migrants sur les "small-boats" vers l’Angleterre
#migrants #immigration #RoyaumeUni #vietnam #passeurs
Article mis en ligne le 1er juin 2024
dernière modification le 30 mai 2024

Depuis le début de l’année, les migrants vietnamiens sont de plus en plus nombreux à traverser la Manche en direction du Royaume-Uni. Depuis le drame du camion charnier en 2019 où 39 Vietnamiens avaient trouvé la mort par asphyxie en se rendant de manière irrégulière au Royaume-Uni, les exilés originaires du Vietnam continuent de tenter d’atteindre les côtes britanniques, mais par voie maritime.

Au Royaume-Uni, 10 Downing street tremble. À cinq semaines des élections législatives britanniques, le Premier ministre conservateur Rishi Sunak ne parvient pas à limiter le nombre de migrants arrivant par bateau au Royaume-Uni : elles ont atteint un record sur les premiers mois de l’année 2024 avec 10 000 passages.

Récemment, le ministère de l’Intérieur britannique a constaté un autre phénomène inquiétant. Depuis le début de l’année, la part de migrants vietnamiens sur les "small-boats" a considérablement augmenté. Entre janvier et mars 2024, 1 060 personnes originaires du Vietnam ont débarqué au Royaume-Uni par bateau, soit 14% du total des arrivées. Selon les médias britanniques, ils représentent désormais la plus large communauté qui traverse la Manche.

"Une théorie sur l’augmentation récente des traversées en bateau est que l’autre itinéraire irrégulier, à l’arrière d’un camion à travers le tunnel sous la Manche, est devenu plus difficile en raison des réglementations récemment mises en œuvre dans le cadre du Brexit. Cela a poussé les migrants vietnamiens à emprunter les petites embarcations", explique à InfoMigrants Seb Rubsy, sociologue britannique à l’Université de Birmingham et spécialiste de cette communauté (...)

Chez les bénévoles français qui maraudent sur les plages du nord, c’est un peu la sidération. "À notre grande surprise, on a constaté depuis le début de l’année beaucoup de Vietnamiens sur la côte. C’est incroyable, c’est une population qu’on ne croisait pas du tout avant", raconte à InfoMigrants Olivier Ternisien d’Osmose 62 qui patrouille sur les plages dans le Boulonnais et le Montreuillois.

"On croise autant de femmes que d’hommes, des personnes plutôt jeunes mais je n’ai pas vu de familles avec enfants" (...)

Même écho chez les bénévoles d’Utopia 56. "Depuis l’été dernier, on voit de plus en plus de Vietnamiens sur le littoral nord, surtout à Grande-Synthe et Dunkerque", commente Angèle Vettorello, coordinatrice de l’association à Grande-Synthe. (...)

Dans les années 2010, les Vietnamiens se regroupaient essentiellement vers Angres (Pas-de-Calais), à une centaine de kilomètres des côtes françaises. Les médias avaient même surnommé cette ville "Vietnam city" en raison de l’entraide qui régnait entre l’ex-municipalité communiste et cette communauté asiatique à qui elle avait mis un local à disposition. Mais les temps ont changé et le hangar a fermé en 2018. "Il n’y a plus de Vietnamiens sur la commune depuis plusieurs années", nous a fait savoir la mairie par mail.

Désormais, les Vietnamiens se mélangent d’avantage aux autres communautés (kurde, bangladaise ou encore soudanaise). "Il y a de plus en plus de Vietnamiens qui viennent sur les points de distribution, ce qui nous a poussé à traduire nos textes de prévention en vietnamien", explique encore Salomé Bahri d’Utopia 56. (...)

Jusqu’à 50 000 dollars du Vietnam au Royaume-Uni

Les migrants vietnamiens peuvent aussi compter sur l’appui d’une communauté historiquement établie en France. Fin mai, une opération de police conjointe menée par les services de l’Office central de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) et la police anglaise ont permis de démanteler une filière de passeurs de migrants entre la France et le Royaume-Uni. Douze personnes, soupçonnées d’être des logeurs ou des convoyeurs, ont été arrêtées en banlieue parisienne, tandis que quatre autres ont été interpellées en Angleterre. Parmi eux, un jeune homme de 25 ans, surnommé "Tuan" est suspecté d’être à la tête du réseau.

Cette opération de police a permis de comprendre comment fonctionne les réseaux de passeurs vietnamiens. "Pour diminuer leurs frais de passages clandestins, les migrants transportaient de la métamphétamine, afin d’alimenter les trafiquants asiatiques du Val-de-Marne", expliquent les enquêteurs français dans un document consulté par InfoMigrants. (...)

Nombreux passages par la Hongrie

D’après les études publiées ces dernières années, il apparaît que les migrants vietnamiens profitent des relations diplomatiques entre leur pays et les anciens États du bloc communiste (Hongrie, Roumanie, Slovaquie, Pologne...) pour atteindre l’Europe. "Entre 1981 et 1990, 217 183 Vietnamiens ont été employés sous contrat dans ces pays", expliquent notamment deux chercheurs dans une enquête de terrain publiée en 2017.

"La majorité des nouveaux arrivants sont originaires de quelques provinces du centre du Vietnam, comme Nghệ An et Hà Tĩnh, qui ont été négligées sur le plan économique et présentent des taux de chômage élevés. Ils sont généralement issus de milieux pauvres, ruraux ou urbains, et n’ont probablement pas de diplôme universitaire", analyse le chercheur britannique Seb Rusby.

Actuellement, il semblerait que la Hongrie tienne la corde pour attirer les migrants vietnamiens. (...)

Les réseaux de passeurs vietnamiens récupèrent directement leurs clients à la sortie des "small-boats". "Ce qu’on comprend c’est qu’il y a une grosse organisation côté anglais, ils savent où ils vont. Tout est organisé de l’autre côté", explique Olivier Ternisien de l’association Osmose 62.

Pour tenter de décourager les Vietnamiens de monter sur les frêles embarcations, le gouvernement britannique a lancé il y a quelques semaines une campagne de communication sur les réseaux sociaux pour les sensibiliser aux dangers de la traversée de la Manche. De quoi remédier au phénomène ? Au moins 16 migrants sont morts en tentant de traverser la Manche depuis le début de l’année 2024.