
À la différence de la lutte contre le réchauffement climatique, la sixième extinction de masse peine à mobiliser. Acteur majeur de la recherche sur la biodiversité, le CNRS et ses structures s’efforcent de limiter leur impact sur le vivant.
« La biodiversité est un sujet difficile à faire appréhender, en raison de sa complexité, de ses enjeux et de notre responsabilité dans sa dégradation ». Amélie Coantic, adjointe au commissaire général au développement durable, donne le ton de la journée « Biodiversité : comprendre et agir » qui se tenait le 7 juin au siège parisien du CNRS. Virginie Schwarz, présidente de Météo France et du Club développement durable des établissements et entreprises publics (CDDEEP)1 rajoute qu’« on a souvent une vision exotique de la biodiversité, alors que les enjeux en France sont aussi importants en raison d’un patrimoine naturel très riche, à l’image des 21 234 espèces endémiques qui peuplent notre pays ».
En dépit de ces lacunes, les connaissances sur la biodiversité progressent, notamment au CNRS qui, en plus d’être l’un des tout premiers contributeurs mondiaux aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), voit également « ses scientifiques s’investir fortement auprès de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques » (IPBES), « le GIEC de la biodiversité », comme l’a rappelé son président-directeur général Antoine Petit le 7 juin.
C’est donc dans cette dynamique que, ce jour-là, le CNRS accueillait ce jour-là dans ses locaux parisiens la dernière réunion plénière du CDDEEP, principal réseau d’organismes publics volontaires et engagés dans la voie du développement durable, portant précisément sur la biodiversité.
La recherche pour documenter l’érosion du vivant (...)
À la différence des mesures contre les émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité peine à mobiliser l’opinion publique. Le DAS de CNRS Écologie & environnement explique ce faible attrait pour le sujet en raison des représentations culturelles dominantes en Occident, dans lesquelles « les services écosystémiques sont perçus comme lointains, flous » et la sixième extinction de masse « comme un problème éthique, un triste constat sans conséquences fonctionnelles sur la planète ».
Pour y remédier, Philippe Grandcolas plaide pour « produire encore plus de connaissances fondamentales et les partager avec la société de manière à éclairer les décisions stratégiques » concernant les millions d’espèces qui peuplent la planète. De ce point de vue, l’IBPES joue un rôle clef dans la diffusion internationale des connaissances scientifiques. Placée sous l’égide des Nations Unies, elle met en place des expertises collégiales à l’échelle mondiale ou régionale sur des sujets de biodiversité et de services écosystémiques et de leur durabilité. (...)
Acheter moins, manger mieux, végétaliser : comment atténuer l’impact de la recherche ?
Pour autant, l’écologue n’est pas dupe : « Indirectement, les activités de la recherche ont un impact sur la biodiversité ». Dès lors, est-il possible d’atténuer l’impact de la recherche sur le vivant au même titre que sur le climat ? Philippe Grandcolas en convient : « On ne pourra jamais avoir un seul indicateur simple pour un sujet aussi complexe, mais on peut toujours s’appuyer sur des proxys, comme des achats locaux et durables, la végétalisation et la bonne gestion écologique du foncier et une restauration collective à faible impact ». Il faut également favoriser les solutions fondées sur la nature, étudiées au sein du PEPR SoluBiod co-porté par le CNRS et Inrae.
De fait, bon nombre d’unités ont entamé leur mue verte. Tandis qu’un laboratoire à Caen a planté une mini-forêt sur son site, deux des dix-huit délégations régionales du CNRS s’efforcent depuis plusieurs années de préserver leur couvert végétal et la faune qu’ils abritent. (...)
Cette démarche s’inscrit plus généralement dans la nouvelle politique d’achats du CNRS, qui vise à acheter moins pour acheter mieux et diminuer ainsi l’impact des achats, qui pèsent pour 74 % des émissions de gaz à effet de serre du CNRS en 2019. Cette nouvelle politique s’est traduite, dès le mois de mai 2023, trois ans avant l’obligation légale pour tous les acheteurs publics, par la publication d’une instruction sur les achats écoresponsables, qui imposait à compter du 1er juin à l’ensemble des acheteurs régionaux d’intégrer des critères environnementaux dans leurs marchés formalisés – et parmi eux la préservation de la biodiversité.
Ces initiatives en sont encore à leurs débuts mais convergent toutes vers un objectif commun : atténuer l’impact de la recherche sur la biodiversité. Ce faisant, le CNRS, comme tous les acteurs de la recherche français, élabore actuellement son schéma directeur développement durable et responsabilité sociétale, dans le cadre du Plan climat-biodiversité et transition écologique de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dont l’une des thématiques portera précisément sur « L’impact environnemental du fonctionnement courant avec la gestion durable de la biodiversité et la préservation du vivant ». Une autre manière de prouver, comme l’assure Philippe Grandcolas, que « le CNRS a un devoir d’exemplarité et toutes les compétences pour aller de l’avant (...)