
Plus rien n’échappe à la pollution, même les sols de nos potagers. Partant de ce constat, l’autrice Bertille Darragon propose de nous adapter... Et d’en faire un combat politique.
(...) On ne peut les éviter, il faut désormais vivre avec, nous dit Bertille Darragon dans son ouvrage Jardiner dans les ruines, quels potagers dans un monde toxique ? (ed. Écosociété).
Elle nous explique ainsi comment faire avec toutes ces pollutions — aériennes, chimiques, plastiques, radioactives, aux métaux lourds... Mais nous incite aussi à nous indigner contre cet état de fait. (...)
Bertille Darragon (...)
Ce n’est pas parce que le potager dont on dispose est pollué, qu’en arrêtant de manger ses légumes on aurait accès à des légumes moins pollués.
Donc mon objectif n’est pas du tout de dire aux gens d’arrêter de jardiner, mais plutôt de les inciter à faire attention à cela, et d’éviter les plus grosses pollutions. La lecture de mon livre peut sembler assez désespérante, mais c’est l’état du monde, pas spécifiquement de nos jardins. (...)
Il y a un racisme et un classisme environnemental qui font que les catégories les plus défavorisées ont souvent accès à des terrains plus pollués. (...)
Selon les terrains, les pollutions sont différentes. À la campagne, on a beaucoup plus de pollution aux pesticides. En ville, on va trouver beaucoup de polluants liés aux transports, donc des métaux lourds. Après, ce qui compte aussi beaucoup dans les pollutions, c’est malheureusement l’âge du jardin. Plus un jardin est ancien et a été cultivé pendant les Trente Glorieuses, plus il va être riche en polluants divers issus des intrants qui ont été mis à des moments où ce n’était pas interdit.
Pour les pesticides, des études ont montré que les jardiniers avaient tendance à surdoser par rapport aux agriculteurs. Ils mesurent moins et, comme ils traitent une petite surface, il y a moins d’enjeu financier à économiser sur les intrants. (...)
ce n’est pas parce qu’un sol est chargé en métaux lourds qu’ils vont forcément être captés par la plante. Il y a certains végétaux qu’il faut éviter. Par exemple, les laitues si on a un sol contaminé au plomb, parce que c’est une plante qui le concentre dans ses feuilles. Il faut aussi éviter les choux, les poireaux, l’ail. Mais, on va pouvoir manger des pommes de terre, car le plomb ne s’accumule pas dans les tubercules. Ce n’est pas parce qu’il y a une pollution dans le sol qu’elle atterrit directement dans notre corps. (...)
Il faut d’abord se renseigner, identifier dans notre environnement ce qui est une potentielle cause de pollution. (...)
Pour certaines pollutions, on peut essayer de les diminuer avec des végétaux accumulateurs. Par exemple, s’il y a des pollutions au plomb et au cadmium au-dessus des normes, on peut essayer de semer pendant quelques années des graminées, qui accumulent les polluants. On les fauche tous les ans, on les met dans un petit coin du jardin qu’on ne cultivera pas, et on peut diminuer la concentration en pollution. (...)
Déjà, cela permet une forme d’autonomie, donc une espèce de pratique anticapitaliste intuitive. Cela rend réceptif à certains discours. Souvent, on part de la théorie pour la mettre en pratique. Mais, à l’inverse, certaines pratiques permettent d’accéder à une radicalité politique. Faire un potager peut nous amener à accepter d’entendre les critiques du système de production alimentaire, du capitalisme, de l’agrobusiness, etc. Parce que ce discours ne nous attaque pas dans notre façon de vivre. (...)
Enfin, les jardins peuvent engendrer du collectif. Par exemple, cultiver des patates, cela se fait mieux à plusieurs. (...)
Avoir ce regard invite à ne tuer que quand on le pense nécessaire, y compris une petite plante qui pousse dans son allée de jardin. (...)
Réfléchir ainsi peut nous aider à freiner nos gestes de destruction. (...)