
Le gouvernement israélien vient d’annoncer la saisie de la plus grande parcelle de terre en Cisjordanie occupée depuis les accords de paix d’Oslo en vue d’y bâtir de nouvelles colonies. La zone de 800 hectares se situe dans la vallée du Jourdain, région vitale pour un futur État palestinien.
"Israël contrôle entièrement la vallée du Jourdain depuis au moins 15 ans", explique Hamza Zbiedat. "Il ne restait plus à Israël qu’à l’annoncer."
La vallée du Jourdain est une bande de terre agricole très fertile qui s’étend sur 70 kilomètres le long de la frontière avec la Jordanie. Peu peuplée, elle comprend de nombreuses zones dégagées et non développées, ce qui en fait une réserve précieuse pour le développement futur de la Cisjordanie.
Selon l’ONG israélienne de défense des droits humains B’Tselem, près de 90 % de la région de la vallée du Jourdain se trouvent dans la zone C de la Cisjordanie, restée sous le contrôle sécuritaire et administratif exclusif d’Israël après l’accord d’Oslo II de 1995.
La décision de saisir une partie de ce territoire montre que le gouvernement de Benjamin Netanyahu a l’intention de poursuivre la construction de colonies, malgré le concert de condamnations internationales. (...)
Quelques semaines plus tôt, le 29 février, Israël s’est approprié 300 autres hectares dans le secteur de la colonie juive de Ma’aleh Adumim, en Cisjordanie occupée.
Selon l’organisation israélienne anticolonisation La Paix maintenant, l’ensemble de ces zones équivaut à la plus importante saisie de terres en territoire palestinien depuis les accords de paix d’Oslo, signés en 1993.
Maintenant qu’Israël a déclaré que des pans entiers de la vallée du Jourdain lui appartenaient, les Palestiniens ne peuvent plus utiliser ces terres.
"Nous pensons que cela favorisera l’expansion des colonies israéliennes", redoute Yonatan Mizrachi, codirecteur de la branche "surveillance des colonies" de La Paix maintenant.
Les colonies israéliennes implantées dans les territoires palestiniens occupés depuis la guerre israélo-arabe de 1967, y compris Jérusalem-Est, sont illégales au regard du droit international. (...)
Ces dernières années, le ministère du Logement a même créé des programmes subventionnés d’accession à la propriété pour lutter contre la crise du logement et a mis en place un système de loterie pour inciter les Israéliens à s’installer dans les colonies de Cisjordanie.
La déclaration de parcelles comme terres domaniales permet de faciliter la location ou l’achat, par les colons, des parcelles en question. Les groupes de défense des droits affirment qu’il est pratiquement impossible pour les Palestiniens de contester cette déclaration. (...)
Les déclarations de terres domaniales dans les territoires occupés ont été interrompues en 1992 sous l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin. Mais deux ans après la première élection de Benjamin Netanyahu en tant que chef du gouvernement, en 1996, cette pratique est revenue à l’ordre du jour. Depuis, environ 40 000 dounams (environ 4 000 hectares) ont été désignés comme terres domaniales par Israël, selon La Paix maintenant.
"Cela peut prendre des années avant que [les terres] ne soient utilisées, indique Yonatan Mizrachi. Puis, soudainement, nous pourrions voir un nouvel avant-poste, une nouvelle colonie…"
En 2023, le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a constaté qu’un total de 700 000 colons israéliens vivaient illégalement en Cisjordanie occupée.
L’annexion annoncée vendredi par Bezalel Smotrich pourrait rendre encore plus difficile les déplacements des Palestiniens en Cisjordanie, déjà grandement compliqués par les restrictions actuelles à la circulation et les multiples check-points militaires israéliens. (...)
Le rapport publié le mois dernier par le Haut-commissaire des Nations unies aux droits humains pointe "l’augmentation spectaculaire de l’intensité, de la gravité et de la régularité des violences commises par les colons israéliens et l’État à l’égard des Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, en particulier depuis le 7 octobre 2023 [date de l’assaut du Hamas sur le sol israélien, NDLR]".
Depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, "au total, 1 222 Palestiniens issus de 19 communautés d’éleveurs ont été déplacés en conséquence directe de la violence des colons", est-il écrit dans le rapport.
La Cisjordanie a également été le théâtre de fréquentes attaques palestiniennes contre des Israéliens depuis le début de la guerre qui fait rage à Gaza. (...)
Le Premier ministre a estimé qu’il n’était plus nécessaire que lui-même et le ministre israélien de la Défense donnent un feu vert officiel à chaque étape de la construction des colonies. (...)
"Quoi qu’il en soit, il est important que les gens sachent que nous vivons également un siège ici, conclut Hamza Zbiedat, en référence à la guerre en cours à Gaza. Et c’est au bénéfice des colons." (...)