Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Cocaïne au ministère du travail : la grande hypocrisie
#cocaïne #ministereduTravail #addictions
Article mis en ligne le 21 décembre 2023
dernière modification le 19 décembre 2023

Une secrétaire du cabinet de la ministre Carole Grandjean a été dissuadée, en début d’année, de se rendre au commissariat pour dénoncer les pratiques d’un de ses collègues, qui se faisait livrer et consommait de la cocaïne au ministère. L’assistant en question a discrètement démissionné, avant d’atterrir au cabinet du... directeur général de la police nationale.

La « guerre contre la drogue » décrétée par le gouvernement s’interrompt-elle quand elle touche ses propres amis ? Après les affaires Pellerin, Bigorgne ou Guerriau – ayant toutes montré, dans des registres différents, l’hypocrisie de responsables publics vis-à-vis de la répression de la consommation des produits stupéfiants –, une nouvelle affaire illustre le double langage du pouvoir actuel sur cette question de santé publique.

D’un côté, les autorités criminalisent les consommateurs, dans une logique purement répressive jugée aussi « archaïque » qu’« inefficace » par des addictologues réputés. Mais de l’autre, elles se montrent d’une indulgence soudaine quand ces usages prospèrent au sein de leur propre milieu socioprofessionnel. Comme s’il existait, à leurs yeux, une différence entre les « mauvais consommateurs » du bas de l’échelle sociale, et les « bons consommateurs » du haut du panier. (...)

La scène se déroule cette fois au ministère du travail, et plus précisément au sein du cabinet de la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, Carole Grandjean, déjà épinglée par Mediapart pour l’utilisation de ses chauffeurs pour des services privés.
Obligation de sécurité de l’employeur…

À compter de janvier 2023, plusieurs conseillers de la ministre, à commencer par son chef de cabinet de l’époque, Pascalis Fabre, ont été alertés de dysfonctionnements au sein du cabinet, générés par les problèmes de consommation d’un secrétaire administratif (...)

Les collègues se plaignent de ses absences répétées, mais aussi de son comportement irascible, notamment lorsqu’il se trouve en phase de descente. Mais, ils estiment que leur employeur – malgré le fait qu’il s’agit du ministère du travail – ne remplit pas son obligation de sécurité de ses salariés, et ont l’impression que Claude est protégé : il figure dans les « petits papiers » de plusieurs cadres du cabinet, avec qui il fait régulièrement la fête. (...)

Selon plusieurs récits, le secrétaire se sent tellement en confiance qu’il consomme parfois de la cocaïne directement sur son lieu de travail, et se fait également livrer aux abords du ministère, auprès d’un homme avec qui il a rendez-vous juste à la sortie du métro Varenne. (...)

malgré les alertes, la situation n’évolue pas jusqu’au 20 février 2023, jour où Magali – qui a précédemment travaillé pour un conseiller au ministère de l’intérieur – dénonce un « nouvel incident » avec Claude. « Personne n’a à subir son état de dépendance », dénonce-t-elle dans un message qu’elle adresse cette fois directement au directeur de cabinet de l’époque, Bruno Clément-Ziza.

Ce dernier – qui n’a pas souhaité répondre aux questions de Mediapart – la remercie d’abord de lui avoir envoyé des « éléments factuels » permettant de documenter le problème. Le haut fonctionnaire déplore ensuite que ce sujet lui retombe dessus. (...)

Le chef de cabinet parvient finalement à organiser un rendez-vous entre la secrétaire et le directeur de cabinet, en qui elle « a suffisamment confiance ». La jeune femme n’ira finalement pas voir la police, et démissionnera de son poste sans provoquer d’esclandre, en pleine affaire Palmade. (...)

D’après nos informations, les problèmes de Claude étaient non seulement connus du cabinet de la ministre, mais également de la division des cabinets (DDC), la structure administrative qui assure le soutien des cabinets relevant des ministères sociaux, laquelle s’était déjà retrouvée embarrassée dans l’affaire des chauffeurs de Carole Grandjean.

Après le départ de Magali, Claude est à nouveau convoqué par Pascalis Fabre, pour organiser son départ du ministère, en mars 2023, dans des conditions qui ne manquent d’interpeller. Le secrétaire n’est pas licencié, aucun signalement n’est effectué.

« J’ai démissionné, c’était mon choix de partir », nous confirme Claude. Tandis qu’une source informée du dossier explique que le cabinet lui a demandé de quitter ses fonctions sur la pointe des pieds, pour éviter que l’affaire n’éclate au grand jour. (...)

Des problèmes d’addiction ignorés par le monde politique (...)

En mai 2023, deux mois après son départ du ministère, Claude a été recruté pour une mission temporaire au sein du cabinet de la direction générale de la police nationale (DGPN).