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Cinq agressions d’extrême droite en dix jours et un silence assourdissant
#extremedroite #medias
Article mis en ligne le 8 mars 2025
dernière modification le 6 mars 2025

Entre le 16 et le 26 février, pas moins de cinq attaques ont été menées par des activistes néofascistes : quatre agressions physiques - dont deux auraient pu être mortelles - et un incendie criminel contre une mosquée. Dans l’indifférence quasi générale des médias et du pouvoir, dont la réaction a été plus que discrète. Blast revient sur ces dix jours où l’extrême droite n’a jamais semblé aussi sûre d’elle-même et de son impunité.

16 février 2025, fin d’après-midi à Paris

A priori, aller assister à une projection du film Z de Costa Gavras, un classique du cinéma politique français, par un dimanche après-midi hivernal ensoleillé, en plein centre de Paris, est une activité sans risque. Même si l’événement est placé sous le signe de l’antifascisme par son organisateur, l’association turque et kurde de gauche Young Struggle.

Et pourtant, le film a commencé depuis une trentaine de minutes quand 25 à 30 personnes cagoulées forcent l’entrée de l’immeuble. Dans la cour intérieure qui mène à la salle de projection, un jeune militant de la CGT est projeté au sol, roué de coups et blessé à l’arme manche dans le dos. (...)

Après l’agression, les assaillants s’enfuient dans la rue en rigolant comme des gamins ayant réussi leur coup. L’un hurle : « Paris est nazi ! » Un autre réplique : « Lyon aussi est nazi ! » (...)

Six individus, dont certains très jeunes - l’un est né en 2007 -, sont interpellés et placés en garde à vue. L’un d’entre eux, déjà connu des services de police, est placé en détention provisoire, les autres sont libérés sous contrôle judiciaire. Tous appartiennent à l’ultradroite. (...)

Signe que le Parquet prend l’affaire très au sérieux, le Procureur de la République a immédiatement ouvert une enquête pour « tentative d’homicide volontaire ». Une fermeté qui tranche avec la désinvolture du pouvoir : ni le ministre de la Justice Gérald Darmanin, ni celui de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ni aucun membre du gouvernement n’ont officiellement réagi à cette agression qui aurait pu très mal finir.

Nuit du 18 au 19 février à Bordeaux

En marge du blocage de Science Po Bordeaux, des étudiants sont rassemblés sur le campus universitaire de Pessac pour protester contre des coupes budgétaires.

Lucas (prénom d’emprunt), jeune militant de LFI de 25 ans, est venu en soutien. « Vers minuit, je m’écarte du groupe, témoigne-t-il dans le journal Sud Ouest. Deux hommes cagoulés me suivent. Il y a aussi des militants de chez nous qui se cachent le visage, mais là, c’étaient vraiment des cagoules. » Il tombe alors sur deux voitures à l’arrêt, moteur tournant. « Il y a une ou deux personnes dedans, qui me regardent lourdement, poursuit-il. Je suis rattrapé par les mecs de derrière. On me demande : “T’es antifa ?“ » Il est projeté au sol et roué de coups de poing et de pied sur tout le corps. Lucas, qui est finalement parvenu à s’enfuir, dénombre au moins cinq agresseurs (...)

Clémence Guetté, députée LFI de Gironde, a mis en cause le groupuscule néofasciste local La Bastide bordelaise, qui a pris la suite de Bordeaux nationaliste, organisation dissoute en février 2023 suite à de nombreuses violences. Lucas a porté plainte le 22 février.

19 février à Angers

Cinq néonazis sont interpellés pour une agression commise la nuit du 18 au 19 janvier dans le centre-ville d’Angers. (...)

22 février, près de Rennes

La scène se déroule à Cintré, près de Rennes, où Anton Burel, 31 ans, militant indépendantiste de gauche, est conseiller municipal. Il a passé la soirée avec des amis dans un bar de la commune. Vers 23 heures, l’établissement ferme. Selon sa version, rapportée par Libération, alors que les clients sont dehors, un groupe de six personnes,, « extérieures à la commune », précise-t-il, lance des slogans d’extrême droite comme « la France aux Français » et fait même des saluts nazis.

« Je me suis approché de celui qui avait fait le salut hitlérien et je lui ai dit que ce genre de geste et leurs propos n’étaient absolument pas admissibles », raconte Anton Burel. « L’un d’eux m’a répondu “on est chez nous” et il m’a tout de suite frappé. J’ai alors pris un coup de poing dans l’œil et un autre à la mâchoire. Je suis tombé à la renverse. Ma tête a cogné sur le trottoir et j’ai perdu connaissance. » Inconscient, il est à nouveau frappé au sol. (...)

Le gouvernement n’a envoyé aucun message de soutien public à l’élu. (...)

Nuit du 25 au 26 février, à Jargeau (Loiret)

L’incendie qui s’est déclenché dans la nuit a totalement ravagé la petite mosquée de Jargeau, près d’Orléans. Trois jours avant le début du ramadan, l’émotion est immense au sein de la communauté musulmane, dans l’incompréhension du silence médiatique autour de cette affaire. D’autant que la mosquée avait déjà subi des menaces et que des graffitis injurieux y avaient été inscrits. Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, se fend d’une publication sur X : « Une enquête est en cours pour en déterminer le causes. Je tiens à exprimer mon soutien aux musulmans de Jargeau. ». (...)

Une enquête est ouverte pour le crime de « destruction par un moyen dangereux pour les personnes commise en raison de la religion et pour provocation publique à la haine et à la discrimination raciale ». Mais l’annonce du Parquet ne provoque ni émotion particulière des médias et du pouvoir, ni aucune nouvelle réaction du gouvernement, maintenant que le motif raciste est privilégié.

26 février, à Montmorency (95)

Damien (prénom d’emprunt) se promène parfois avec un sweatshirt portant l’inscription « antifa » sur le côté de sa capuche. Une habitude qui apparemment devient dangereuse par les temps qui courent.

Vers 20 heures, il prend le train gare du Nord, à Paris, pour se rendre chez un ami à Montmorency. « C’est alors que je croise cinq hommes, crânes rasés portant des pokos Fred Perry liserés bleu blanc rouge, raconte-t-il à Blast. Nous nous dévisageons mutuellement et je pense qu’ils remarquent l’inscription « antifa » sur ma capuche. Mais je ne suis pas plus inquiet que ça, c’est l’heure de pointe, il y a du monde, je monte dans un autre wagon et je passe à autre chose. » Une quinzaine de minutes plus tard, arrivé à destination, il prend le chemin du domicile de son ami. Légèrement handicapé, il se déplace à l’aide d’une canne. « Je ne pense plus à cette histoire, dit-il, et je suis tranquille, écouteurs sur les oreilles, à écouter de la musique. Je ne suis pas particulièrement sur mes gardes à vérifier si je suis suivi. Mais quelques rues plus loin, ils me tombent et me poussent au sol, puis me frappent violemment, puis s’enfuient avec ma canne. (...)

À l’hôpital, un scanner révèle une hémorragie cérébrale qui nécessite de le garder en observation plusieurs jours. Des photos et certificats médicaux attestent de la gravité de ses blessures. (...)

Bilan de ces sombres dix jours : 5 exactions graves commises par l’extrême droite, dont deux considérées comme criminelles par le Parquet et une qui, une fois signalée, pourrait l’être aussi.

Plus encore que cette recrudescence des violences d’extrême droite, c’est l’absence de réactions fortes du pouvoir et de la société dans son ensemble qui inquiète. (...)

Quant au gouvernement, l’absence d’une parole forte de ministres aussi habitués aux coups d’éclat médiatiques que Bruno Retailleau ou Gérald Damanin en dit long sur la désinvolture du pouvoir face à la montée de groupes fascistes de plus en plus sûrs d’eux.