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Blast/- Boxing Day #37
Cher Denis Olivennes
#DenisOlivennes #medias #edition
Article mis en ligne le 16 juin 2025
dernière modification le 15 juin 2025

Lundi 9 juin, vous publiiez sur X un post laissant entendre que la députée européenne Rima Hassan, passagère du navire Madleen qui venait d’être illégalement abordé par l’armée israélienne alors qu’il faisait route vers Gaza, souffrirait d’un « trouble de la personnalité narcissique », il est vrai que la psychiatrisation de celles et ceux que l’on considère comme des adversaires est une méthode qui a fait ses preuves. Le lendemain, le magazine Franc-Tireur dont vous êtes, d’après sa directrice de la rédaction Caroline Fourest, le « parrain », choisissait lui aussi d’évoquer le Madleen avec, à la « Une », le titre « La flottille s’amuse », qu’est-ce qu’on se marre, et un article dans lequel on apprenait que « pendant la guerre, les héros de la flottille auraient livré Anne Frank et tout enfant juif caché dans des placards », c’est bien noté, on va vomir et on revient.

Nous devons avouer qu’après avoir pris connaissance de votre post et de ce très subtil article de Caroline Fourest, qui est évidemment l’autrice de ces outrances, nous n’avons pas eu le courage de regarder si la nouvelle chaîne de la TNT T18, possédée, comme Franc-Tireur, par la holding CMI France dont vous présidez le conseil de surveillance, a elle aussi décidé de traiter, dans les jours qui ont suivi le lancement de la chaîne le vendredi 6 juin, de la Flottille pour Gaza ou, plus globalement, de la guerre génocidaire menée par Israël. Mais nous ne doutons pas qu’avec des dirigeants tels que vous, puisque vous jouez un rôle central dans le dispositif de CMI France, propriété du milliardaire tchèque Daniel Křetínský, T18 ne manquera pas, sur ce sujet comme sur bien d’autres, de tenir l’aguichante promesse contenue dans le très audacieux slogan de la chaîne : « La télé qui s’amuse à réfléchir ». (...)

Cher Denis Olivennes, même si vous n’êtes pas forcément très connu du grand public, le moins que l’on puisse dire est donc que vous occupez aujourd’hui une place tout sauf marginale dans l’univers des médias et de l’édition, puisque vous présidez à la fois les conseils de surveillance de CMI France et d’Editis mais aussi, comme si tout cela ne suffisait pas à occuper vos journées, la holding « Presse indépendante SAS », propriétaire de Libération, via laquelle Daniel Křetínský a prêté plus de 40 millions d’euros au journal depuis 2022. Un milliardaire aux dents longues, on y reviendra, au sujet duquel vous ne tarissez pas d’éloges, comme lors du lancement de T18 le 6 juin, ainsi que l’a relevé Acrimed : « C’est un gars absolument fantastique […] qui est par ailleurs, par sa formation, par son esprit, par ses engagements, déterminé à favoriser, à aider la démocratie », si vous le dites.

Une place que vous avez conquise de haute lutte, certes sans jamais avoir été journaliste, sans jamais avoir réalisé la moindre enquête et sans jamais avoir révélé une quelconque information (...)

vous avez joué, c’est le moins que l’on puisse dire, un drôle de jeu, en organisant, fin 2018 et début 2019, les négociations pour la vente de plusieurs magazines du groupe Lagardère (Elle, Version Femina, Art & Décoration, Télé 7 Jours, France Dimanche, Ici Paris et Public) à un certain Daniel Křetínský, avant d’être embauché quelques semaines plus tard, une fois la transaction conclue, par un certain Křetínský Daniel, c’est audacieux. Difficile de nous empêcher ici de citer le commentaire, à votre propos, de l’un des salariés concernés par cette étrange vente au cours de laquelle, serait-on tenté de dire, vous avez joué un peu discret rôle d’agent double : « On était médusés. Il nous a vendus à un oligarque tchèque et on le retrouve à l’étage au-dessus », autrement dit bien vu mais ça s’est vu.

De là à affirmer, cher Denis Olivennes, que vous êtes davantage préoccupé par vos intérêts propres que par ceux des groupes qui vous emploient il y a un pas que nous ne franchirons pas, a fortiori depuis que nous avons découvert l’existence de la société « Denis Olivennes Conseil » (« DOC »), spécialisée dans « [le] conseil pour les affaires et autres conseils de gestion » et dont l’objet est notamment, d’après ses statuts, « [les] activités de conseil, d’assistance, d’étude et de stratégie, plus généralement de fournitures de services commerciaux, notamment en matière d’organisation, de management, de restructurations et de ressources humaines », ça fait rêver. Une société créée avec un faible capital (3000 actions à un euro) mais qui génère d’importants revenus (1,63 million de résultat net pour l’exercice 2023, 4,27 millions entre 2020 et 2024) et dont vous êtes, c’est vrai que c’est plus simple comme ça, le seul associé, le seul actionnaire et, bien évidemment, le président.

C’est fort de cette découverte — et en fouinant un peu — que nous avons pu nous délecter, entre autres, de savoureux comptes rendus de « réunions » de DOC auxquelles vous êtes seul à participer, assortis de procès-verbaux dans lesquels on apprend par exemple que « l’associé unique, après lecture de son rapport de gestion, approuve les comptes annuels », le contraire eût été pour le moins gênant, mais aussi que « l’associé unique » (vous) a pris l’habitude de décider, souverainement bien sûr, de distribuer, au regard du remarquable boulot fourni par le travailleur unique (vous), de généreux dividendes annuels à l’actionnaire unique (vous), à hauteur de 850 000 euros en 2022, 1,5 million d’euros en 2023 et — seulement — 350 000 euros en 2024, on espère que l’année n’a pas été trop difficile. Le tout en n’oubliant pas de préciser dans les PV, on avoue qu’on a eu du mal à se retenir de rire, que « l’associé unique rappelle en tant que de besoin qu’il n’a perçu aucune rémunération pour l’exercice de ses fonctions de Président au cours de l’exercice écoulé », votre dévouement vous perdra. (...)

La générosité semble d’ailleurs être l’un des ciments du couple que vous formez avec Inès de La Fressange, comme en témoigne une affaire rendue publique par le Canard enchainé en 2015, qui avait alors révélé que la « gouvernante » de la jolie propriété provençale de votre compagne avait décidé de vous poursuivre tous les deux en justice pour « travail dissimulé » et « licenciement abusif », tout de même. La presse résumait les choses comme suit : « Chantal Moreau était logée depuis 2013 dans un mobile-home situé sur la propriété. Pour effectuer les tâches domestiques (courses, entretien de la piscine, etc.), ou encore veiller sur les neuf hectares du domaine, celle-ci était rémunérée 1560 euros bruts par mois, soit 94 euros de plus que le SMIC. Elle devait en outre s’acquitter de 350 euros pour la location mensuelle du modeste mobile-home, dans lequel elle vivait avec son fils. Limogée en septembre [2015] après son refus de prendre le statut d’auto-entrepreneur, elle ne percevait plus de revenu depuis lors », merci patrons (2). (...)

Vous intervenez ainsi régulièrement dans le débat public pour prodiguer vos bons conseils, qu’il s’agisse d’expliquer, au moment de la mobilisation pour les retraites en 2023, « [qu’]il y a bien des critiques à faire à la réforme des retraites mais [que] si nous voulons protéger et développer notre modèle redistributif, il faut travailler plus », d’affirmer que « sans croissance économique, il n’y aura rien à partager, car on ne peut pas distribuer ce que l’on n’a pas » et qu’à ce titre « le monde promis par Greta Thunberg est un cauchemar », ou de prétendre que « c’est parce que nous ne travaillons pas assez que nous devons taxer plus pour financer notre État-providence. Et c’est parce que nous taxons trop le travail, qu’une partie des Français préfère rester à la maison plutôt que d’aller au bureau ou à l’usine », il est vrai que lorsque l’on s’est versé 2,7 millions d’euros de dividendes au cours des trois dernières années et que l’on contraint ses salariés à adopter le statut d’auto-entrepreneur on est bien placé pour faire des leçons sur les efforts nécessaires. (...)