
Depuis le 30 avril, quatre mineurs et une stagiaire de 19 ans sont morts au travail. Plusieurs enquêtes mettent en cause le respect des normes de sécurité de la part des entreprises. Pointés du doigt, la multiplication des stages et les faibles moyens de l’inspection du travail.
(...) En un peu plus de deux mois, trois autres mineurs sont morts en entreprise. Le 30 avril, un apprenti de 15 ans, Lorenzo, meurt percuté par un engin de chantier à Saint-Martin-du-Var(Nouvelle fenêtre), dans les Alpes-Maritimes. Le 18 mai c’est au tour de Lucas, 17 ans, de succomber à ses blessures, deux jours après avoir été écrasé par une poutre métallique dans une usine de Semur-en-Brionnais(Nouvelle fenêtre), en Saône-et-Loire. Le 4 juillet, un stagiaire en milieu agricole âgé de 16 ans est mortellement entraîné au fond d’une mare par un engin agricole à Vivy (Maine-et-Loire).
Quatre décès avec à chaque fois des enquêtes préliminaires ouvertes pour "homicide involontaire". Une qualification juridique qui n’a rien d’automatique en cas de mort au travail. Ainsi, après le décès d’une jeune stagiaire de 19 ans sur une exploitation agricole, le 26 juin dernier, à Casseret (Corrèze), percutée par un taureau(Nouvelle fenêtre), une enquête en "recherche des causes de la mort" a été ouverte.
Des contrôles assouplis
Comment éviter ces drames à répétition ? "Nous sommes contre le travail des mineurs sur les chantiers ou les sites industriels risqués. Certaines situations sont délirantes", répond Frédéric Mau, président de l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics). Pour lui, les conditions de sécurité ne sont plus remplies. "Quand j’étais jeune et que je commençais à aller sur un chantier, je collais aux basques de mon responsable. J’étais vraiment accompagné. Ce n’est plus le cas dans les entreprises aujourd’hui".
D’autant plus que les lois régissant le travail des mineurs en formation professionnelle ont été assouplies depuis le décret Rebsamen (du nom de l’ancien ministre du Travail, François Rebsamen) du 17 avril 2015. La visite préalable d’un inspecteur du travail n’est plus obligatoire afin d’obtenir une dérogation pour faire effectuer certains travaux aux jeunes (...)
Renforcer la formation à la sécurité
Interrogé sur ce point, le ministère du Travail indique qu’il n’est pas prévu de revenir sur ces décrets, tout en précisant que la ministre, Astrid Panosyan-Bouvet, a fait de la sécurité au travail "une priorité personnelle forte". Vendredi 11 juillet, la ministre chargée du travail et de l’emploi a annoncé une série de mesures dont deux ciblent prioritairement les "publics fragiles", jeunes et intérimaires.
Astrid Panosyan-Bouvet souhaite "renforcer l’obligation actuelle de formation à la sécurité" pour ceux qui arrivent pour la première fois en milieu professionnel. "Ça va dans le bon sens mais c’est incomplet", estime Gérald Le Corre, inspecteur du travail et représentant CGT au Conseil d’orientation des conditions de travail. "Ce serait une bonne nouvelle d’avoir un référentiel, mais ça ne peut pas se limiter au premier emploi. Il faut que cette obligation s’applique à chaque fois". (...)
Un inspecteur du travail pour 11 000 salariés
Autre mesure annoncée par le ministère du Travail : les entreprises condamnées pour "faute inexcusable", "homicide involontaire" ou "blessures involontaires" ne pourront plus recruter. Dans les faits, l’inspection du travail a déjà le droit d’interdire à tel ou tel organisme d’accueillir un alternant sans décision de justice préalable, mais si les agents publics estiment qu’il existe un "danger imminent" (physique ou moral). "On ne voit pas ce que la mesure apporte. On espère surtout que ça n’affaiblira pas le dispositif actuel", commente Gérald Le Corre qui relève surtout un problème de moyens.
En France, on compte désormais un inspecteur du travail pour 1200 entreprises, soit environ 11 000 salariés. "Évidemment que toutes les infractions ne peuvent pas être relevées. Et le ministère nous affirme que certains départs à la retraite ne seront pas remplacés, donc les effectifs vont encore baisser", regrette l’inspecteur du travail. (...)
Facteur aggravant : le risque chimique
Autre interrogation : parmi les mesures annoncées par la ministre du travail, aucune ne prend en compte le risque chimique. (...)
1 500 toxiques et reprotoxiques sont autorisés dans le monde du travail en Europe.
Selon la chercheuse, les secteurs les plus touchés sont l’agriculture – on y commence les stages parfois dès 14 ans – le BTP, la mécanique, les métiers de l’esthétique et de la coiffure. (...)
La spécialiste rappelle l’estimation de l’ETUI : entre 100 000 et 130 000 personnes meurent chaque année en Europe suite à l’exposition à des produits chimiques dans le cadre du travail.