
En août 2021, à Stains, la police a tiré cinq balles dans le corps de Nordine après un refus d’obtempérer. Ce 3 octobre, trois ans après, les agents vont à leur tour être jugés pour « violences volontaires ».
La vie de Nordine est suspendue depuis trois ans. L’homme de 40 ans porte sur lui les stigmates de la nuit du 16 août 2021, quand la police a tiré huit balles sur son véhicule. Au volant, il en reçoit cinq dans le corps. Ses cicatrices et sa démarche boiteuse les lui rappellent chaque jour. Le bruit sourd des coups de feu, le claquement des vitres de sa voiture qui explosent, le sang, et la peur de mourir tournent en boucle dans sa tête. Sa compagne de l’époque, Merryl (1), assise sur la banquette arrière, prend une balle dans le dos. En urgence absolue, ils sont pris en charge à l’hôpital. « C’est un miraculé », commente Yasmina, la petite sœur de Nordine. Assise dans un café du 5e arrondissement de Paris, elle énumère les opérations, les greffes osseuses, et les séquelles (...)
La police porte plainte contre lui pour « refus d’obtempérer » et « violences avec arme par destination », en l’occurrence sa voiture. « La justice a condamné Nordine en comparution immédiate, sans dossier complet, avec des enquêtes bâclées et, surtout, de manière totalement prématurée », insiste maître Margot Pugliese, son avocate avec maître Vincent Brengarth. (...)
Mi-décembre 2023, soit plus d’un an après la condamnation en appel de Nordine (2), c’est au tour des deux agents de la Bac auteurs des tirs d’être renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Ils seront jugés ce jeudi 3 octobre 2024 pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique, ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, avec usage de l’arme de service ». Ils sont à ce stade présumés innocents. (...)
Nordine crie à l’injustice :
« Je ne suis pas l’agresseur, je suis la victime. »
Il ne comprend pas la différence de traitement avec les policiers. À peine remis de ses blessures, lui est placé sous contrôle judiciaire. Le 18 février 2022, il est condamné en première instance pour refus d’obtempérer à deux ans de prison ferme avec mandat de dépôt immédiat, à verser 15.000 euros aux policiers, et n’a plus le droit de conduire. Menottes aux poignets et guidé par les agents d’escorte policière, l’homme frêle monte dans un fourgon, direction la prison. Les deux agents de la Bac, eux, travaillent toujours. Depuis leur mise en examen – à l’automne 2022 – ils ont été affectés dans un service d’investigation de leur commissariat, selon Mediapart. Leur contrôle judiciaire leur interdit de porter une arme et ils sont soumis à une interdiction d’activité professionnelle sur la voie publique. (...)
Nordine a bénéficié d’une justice « expéditive », selon son avocate maître Margot Pugliese, qui y voit un choix de politique pénale :
« La décision faite par le parquet d’un jugement rapide vient rompre totalement l’égalité des armes et des chances, ce qui crée un déséquilibre total entre Nordine et les policiers. »
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Nordine va devoir de nouveau se confronter à cette nuit de terreur. Une épreuve de plus pour celui qui est actuellement incarcéré à la prison de Fresnes. Dans sa cellule de 9 mètres carrés, le choc post-traumatique se mélange au choc carcéral. Le procès qui arrive le ronge d’angoisse. Trois ans après, il est attendu dans le box du tribunal de Bobigny ce jeudi 3 octobre, mais sera entendu comme victime cette fois-ci.