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Orient XXI
Calais. « Des gens meurent sur vos plages »
#Manche #Calais #migrants #immigration #naufrages
Article mis en ligne le 2 février 2025
dernière modification le 31 janvier 2025

Au moins 89 personnes exilées sont mortes à la frontière franco-britannique en 2024. Un macabre record que des associations, syndicats et partis politiques ont décidé de dénoncer au cours d’une « grande marche pour la justice et la dignité ».

Debout à l’arrière d’une camionnette de chantier garée au milieu du parvis du parc Richelieu, dans le centre-ville de Calais (62), M.
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, micro à la main, s’exprime d’une voix posée et forte : « Nous vivons dans la souffrance, dans le froid, dans les Jungles ou les hangars. Toutes les 24 ou 48 heures, la police vient nous arrêter. » L’exilé soudanais, emmitouflé sous plusieurs couches de vêtements, poursuit sans reprendre son souffle :

Beaucoup de personnes sont mortes à la frontière ces derniers mois. Un jour, tu vois ton ami. Le lendemain, ce même ami est enterré. Il faut des voies sûres pour rejoindre le Royaume-Uni.

Autour de la camionnette, érigée en estrade éphémère, plus de 500 personnes ont répondu à l’appel à manifester lancé par un collectif unitaire composé d’associations de soutien aux personnes exilées, de partis politiques et de syndicats. Malgré le froid tenace, des exilés, des bénévoles solidaires et des habitants du littoral défilent pendant plusieurs heures dans la ville côtière ce samedi 11 janvier pour dénoncer « les politiques mortifères à la frontière franco-britannique ».

En 2024, au moins 89 personnes exilées sont mortes en tentant de rejoindre le Royaume-Uni. C’est l’année la plus meurtrière depuis 25 ans. Le nombre de disparus reste pour le moment incertain. Ce bilan humain tragique vient aggraver un sinistre constat : à Calais et dans la région, cela fait des années que des exilés meurent en tentant de rallier le territoire britannique. Depuis 1999, au moins 487 personnes migrantes sont décédées à cette frontière (...)

Au sein du cortège, plusieurs manifestants brandissent des pancartes sur lesquelles il est inscrit « La Manche est un cimetière », « États coupables » ou encore « Vos frontières tuent ».Sur l’une d’entre elles, il est écrit : « Des gens meurent sur vos plages », en référence aux 13 cadavres retrouvés sur le littoral nord de la France pour les seuls mois de novembre et de décembre derniers. Côté anglais, un corps a également été repêché, le 5 novembre 2024, au large de Douvres. (...)

Ahmed et Nour Al-Ashimi, couple originaire de Bassora, en Irak, sont aussi dans le cortège calaisien. Leurs deux enfants, Rahaf et Hussam, 13 et 8 ans, les précèdent. Ils portent le portrait de Sarra, leur petite sœur de 6 ans, décédée au cours d’une tentative de traversée, le 23 avril 2024, au large de Wimereux (62). Comme Dina Al-Shammari, la petite Irakienne a été asphyxiée lors de l’abordage brutal de leur embarcation par des exilés non prévus parmi les passagers.

La famille Al-Ashimi a fui l’instabilité en Irak au début des années 2010, espérant trouver refuge en Europe. En vain. Les demandes d’asile d’Ahmed et Nour, successivement déposées en Belgique, Suède et Finlande, ont chaque fois été rejetées. Là encore, face au risque d’expulsion, le Royaume-Uni est apparu comme une ultime solution, qui a coûté la vie de Sarra. Outre la fillette, cette tentative de traversée mortelle a fait 4 autres victimes (...)

Pourchassés à terre, empêchés de prendre la mer

Du naufrage du 14 janvier au large de Wimereux, au cours duquel sont morts noyés cinq exilés syriens tous originaires de Deraa, le berceau de la révolution syrienne, à l’incident survenu le 29 décembre sur la plage de Sangatte, qui a fait 4 victimes, l’année 2024 à la frontière franco-britannique a été jalonnée de drames. La liste des victimes semble interminable. Coincés entre la logique de « lutte contre les points de fixation » qui vise le moindre campement, et les opérations policières destinées à empêcher la mise à l’eau de bateaux, y compris par le recours à des tentatives d’interceptions en mer, les exilés sont maintenus dans une impasse.