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Mediapart
Budget 2025 : « La voiture électrique n’est pas la seule solution face au défi climatique »
#urgenceclimatique #budget #Barnier #Macron
Article mis en ligne le 23 octobre 2024
dernière modification le 21 octobre 2024

À l’heure de l’urgence climatique, le budget 2025 prévoit un demi-milliard d’euros en moins pour l’aide à l’électrification des véhicules. Pour le chercheur Aurélien Bigo, ce budget montre surtout l’inaction climatique du gouvernement en matière de transports, secteur le plus émetteur en France.

C’est un paradoxe qui résume à lui seul l’inaction politique du gouvernement en matière climatique. Le secteur des transports est le plus émetteur en France, représentant à lui seul un tiers des émissions nationales. Et notre retard en termes de politiques climatiques est tel que le Haut Conseil pour le climat estime que pour décarboner le pays, le rythme de réduction des émissions liées au transport doit tripler d’ici à 2030.

Mais après avoir fustigé « l’épée de Damoclès » de la « dette écologique » lors de son discours de politique générale début octobre, le premier ministre, Michel Barnier, a présenté un projet de loi de finances pour 2025 qui ampute d’un demi-milliard d’euros l’aide à l’électrification des véhicules. (...)

Certes, les ventes de véhicules électriques neufs vont globalement augmenter en 2025, notamment parce que leur prix diminue et que l’Union européenne (UE) a imposé aux constructeurs des normes d’émissions de CO2 à respecter pour les voitures neuves.

Mais c’est ici un choix gouvernemental purement budgétaire. Les aides à l’achat jouent un rôle très significatif dans la décarbonation du secteur. À titre d’illustration, l’an dernier, l’Allemagne a dû supprimer ses aides publiques à l’achat de voitures électriques et les ventes sur le marché allemand ont dégringolé. Autre exemple : le leasing social. Ce mécanisme mis en place début 2024 par le gouvernement a rencontré un vrai succès [ce programme a permis à plus de 50 000 ménages d’accéder à un véhicule électrique pour environ 100 euros par mois – ndlr]. L’apport initial était pris en charge par l’État jusqu’à 13 000 euros, ce qui est énorme. (...)

Ce que montre le leasing social, c’est que dès qu’on lève le frein du prix grâce à des aides, le succès de ces voitures est très fort. Une récente enquête d’Enedis a montré que 91 % des détenteurs de véhicule électrique étaient satisfaits, en termes de confort comme d’usage.

Le ministre des transports a assuré que, malgré le demi-milliard d’euros en moins d’aide à l’électrification (qui comprend le leasing social), l’aide va être reconduite. Mais il faudra voir de près comment cette mesure va être recalibrée pour ne pas coûter trop cher à l’État tout en facilitant l’accessibilité de ces voitures aux plus modestes. (...)

En définitive, les voitures électriques représentent moins de 3 % de l’ensemble des voitures en circulation aujourd’hui, la diffusion des véhicules dans le parc étant lente.

Ces chiffres nous montrent que l’électrification n’est pas la seule solution face au défi climatique, que nous avons aussi besoin de politiques publiques de sobriété. (...)

Ces discours des partis de droite et d’extrême droite, celui de certains constructeurs et de médias qui relaient sans cesse que les délais ne sont pas tenables, que la voiture électrique serait néfaste pour l’environnement, voire que leurs batteries prennent facilement feu, infusent une idée : la fin de la vente des véhicules thermiques pour 2035, actée par l’UE, est impossible à tenir.

In fine, en sabotant cette fin du thermique pour 2035, c’est l’ensemble du Pacte vert européen qui peut être remis en cause. (...)

La Stratégie nationale bas-carbone, qui est la feuille de route de la France pour lutter contre les dérèglements climatiques, a identifié cinq leviers qu’il faut déployer en même temps.

Il y a notamment l’électrification, mais si elle est indispensable, elle n’est pas suffisante. Elle doit être accompagnée d’une politique qui modère la demande en transport. Il faudrait revenir sur notre hypermobilité, en redéveloppant des services de proximité, en relocalisant des pans de notre économie, mais aussi en revoyant l’aménagement du territoire. Cela veut dire l’arrêt de projets d’infrastructures qui alimentent cette hypermobilité comme les projets d’autoroutes ou de centres commerciaux périphériques.

Il y a aussi le report modal, afin de se passer de la voiture. En 2024, à peine 4 % de nos trajets en France se réalisaient à vélo, alors que pour respecter nos engagements climatiques, on devrait être déjà à 9 %. Cela demande aussi des investissements dans le ferroviaire, notamment pour les trains de nuit ou les TER.

Un autre levier est l’amélioration du taux de remplissage des voitures. Si le covoiturage s’est popularisé pour les longs trajets, il n’est pas encore massifié pour les trajets du quotidien. Enfin, il faut diminuer la consommation énergétique de nos transports : cela passe par l’abaissement de la vitesse autorisée sur autoroute à 110 km/h au lieu de 130, comme par le développement des véhicules intermédiaires tels que les mini-voitures, les triporteurs, etc. (...)

La Convention citoyenne pour le climat avait proposé en 2020 l’interdiction de la publicité des voitures les plus polluantes, avant que ce ne soit retoqué par Emmanuel Macron. Et cet imaginaire puissant autour de la voiture continue d’être valorisé quand le président a affirmé en 2023 qu’il « adorait la bagnole ».

Mettre en avant perpétuellement les solutions d’électrification et les projets industriels associés à la voiture invisibilise tous les problèmes sociaux liés à l’automobile comme l’inégal accès à la mobilité selon les territoires ou les revenus, ainsi que tous les impacts en termes de pollution de l’air, de pollution sonore, de manque d’activité physique pour les personnes, de consommation des ressources naturelles. (...)

les engagements volontaires des constructeurs sur la question écologique ne fonctionnent pas. Il nous faut un ensemble de politiques publiques, de normes, de contraintes pour que le secteur automobile réalise urgemment son tournant climatique et intègre la sobriété.