
Impôt sur les milliardaires, défiscalisation des pensions alimentaires, baisse des taxes sur l’électricité… L’Assemblée a voté une série de mesures intéressantes, qui risquent toutefois de ne pas être retenues par le gouvernement. Voici pourquoi il faudrait les garder.
Après avoir rapidement compris qu’ils seraient mis en minorité sur de nombreux sujets, les députés macronistes ont en effet décidé de venir en très petit nombre aux débats, laissant la voie libre au Nouveau Front populaire (NFP) pour faire adopter ses amendements.
Même le ministre chargé du budget, Laurent Saint-Martin, s’en est ému après l’adoption, vendredi 25 octobre, d’un amendement de la députée insoumise Mathilde Feld instaurant un impôt sur les milliardaires. (...)
le NFP a engrangé les amendements adoptés. Le président insoumis de la commission des finances, Éric Coquerel, s’est ainsi félicité qu’à ce stade, 35 milliards d’euros de nouvelles recettes fiscales sur les plus riches et les grandes entreprises aient été votés, rendant le budget ainsi amendé « NFP compatible », en attendant le dernier tiers des amendements, qui sera discuté à partir du 5 novembre.
Assistons-nous, dès lors, à un grand pas en avant vers plus de justice fiscale ? Pas vraiment. Car il n’est bien entendu pas question, du côté de l’exécutif et du camp présidentiel, arc-boutés sur la politique de l’offre menée depuis 2017, de laisser passer ne serait-ce qu’une seule mesure fiscale d’ampleur provenant des rangs de la gauche. Ils laissent filer les débats à l’Assemblée en attendant l’inéluctable usage de l’article 49-3, voire l’adoption par défaut d’un budget qui serait coconstruit avec la majorité de droite du Sénat. (...)
La représentation nationale a notamment pu s’entendre, contre l’avis du gouvernement, sur plusieurs amendements remédiant à des injustices notoires du système fiscal et du projet de loi de finances. Passage en revue, avant probable disparition.
La hausse de la taxe sur l’électricité supprimée (...)
C’est plus que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (supérieurs à 500 000 euros pour un couple sans enfant), qui, en plus d’être temporaire, ne devrait rapporter « que » 2 milliards d’euros en 2025. Une différence de traitement difficilement acceptable. Des amendements provenant des rangs de la droite et de l’extrême droite, soutenus par la gauche, ont ainsi supprimé l’article 7 du projet de loi de finances instaurant la hausse de la taxe sur l’électricité. Et la taxe sur les hauts revenus a, quant à elle, été pérennisée par des amendements votés à l’initiative de la gauche et du MoDem.
Les pensions alimentaires défiscalisées (...)
actuellement, « le système repose sur l’idée que c’est aux femmes de s’occuper de leurs enfants et de s’en occuper seules. […] Et qu’un père qui verse un peu d’argent à la femme qui s’occupe de ses enfants peut défiscaliser cette somme. C’est profondément inégalitaire ! », a dénoncé lors des débats Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste. (...)
Une ébauche d’impôt sur les milliardaires
À la surprise générale, les député·es du NFP ont réussi à faire voter vendredi 25 octobre un impôt sur les milliardaires de 2 % sur la partie des patrimoines supérieure à un milliard d’euros. Inspiré par l’économiste Gabriel Zucman, l’amendement de la députée Mathilde Feld s’appuie aussi sur les travaux de l’Institut des politiques publiques (IPP) qui ont démontré que les très grandes fortunes payaient, grâce à divers mécanismes d’optimisation, près de deux fois moins d’impôts (27 %) sur leurs revenus que le reste de la population (50 %), tous prélèvements confondus : TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, CSG, etc. (...)
Le retour de l’« exit tax »
Ce fut un beau cadeau fait par Emmanuel Macron aux exilés fiscaux. (...)
réinstaurer, dans les faits, une exit tax en France. L’idée du député étant bien de « lutter contre les transferts hors de France de domiciles et de sièges sociaux ayant pour seul motif d’éviter l’imposition de la plus-value résultant de la cession d’actions ». (...)
Le pacte Dutreil amendé
C’est certainement l’un des dispositifs fiscaux les plus dévoyés par les riches contribuables. Le pacte Dutreil, censé favoriser fiscalement les transmissions d’entreprises de taille moyenne et intermédiaire au sein de la famille, a, année après année, tellement été assoupli qu’il est désormais utilisé pour défiscaliser massivement les héritages les plus élevés. (...)
La Cour des comptes et le Conseil d’analyse économique (CAE) ont déjà publié des rapports alertant sur ce risque. Et l’administration tente d’évaluer les pertes pour l’État, qui vraisemblablement se chiffrent en milliards.
En attendant, les députés Jean-Paul Matteï (MoDem) et Charles de Courson (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires – Liot) ont fait adopter deux amendements visant à limiter les abus (...)
L’esbroufe des rachats d’actions
Une mascarade. Dans son projet de loi de finances, le gouvernement a proposé de taxer les rachats d’actions. Une bonne idée, de prime abord : cette pratique très développée au sein des groupes du CAC 40 – les rachats d’actions ont atteint 30 milliards d’euros en 2023, selon Les Échos – sert surtout à doper artificiellement les cours de Bourse et les stock-options des dirigeants. (...) l’exécutif a pris comme base taxable la valeur comptable d’une action et non sa valeur de marché. Or cela n’a rien à voir. (...)
le député socialiste Philippe Brun. Son groupe a fait adopter un amendement qui permet d’asseoir la taxe sur les rachats d’actions sur la valeur de rachat, et non sur leur valeur nominale, c’est-à-dire comptable, et passe son taux à 4 % au lieu de 8.
La fin de la fraude sur les dividendes
« Ces détournements coûtent à la France près de 3 milliards d’euros par an. » En première ligne sur ce sujet, la députée socialiste Christine Pirès Beaune semble avoir convaincu bon nombre d’élu·es de la nécessité de lutter contre les pratiques dites « CumCum ». Celles-ci constituent une quasi-fraude fiscale organisée avec la complicité des banques pour que les dividendes perçus par les actionnaires étrangers d’entreprises françaises ne soient pas taxés à la source en France. (...)
Pour lutter contre ces pratiques, deux amendements de Christine Pirès Beaune viennent compléter le mécanisme existant de régulation des CumCum en y ajoutant l’échange de la propriété d’une action. Ils ont été adoptés à la quasi-unanimité de l’hémicycle – seulement 5 et 7 voix contre –, le gouvernement ayant toutefois émis un avis défavorable.