
« Sortez de vos labos, allez dans la rue ». Pour avoir interrompu une conférence de l’Union américaine de géophysique en brandissant cette banderole, le 15 décembre 2022, Rose Abramoff a été licenciée de son laboratoire.
Relectrice du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en 2019, cette biogéochimiste avait ensuite rallié Scientist Rebellion, un groupe de scientifiques émanant du mouvement Extinction Rebellion, et mené des actions de désobéissance civile, dont une tentative de blocage d’un aéroport de jets privés.
Depuis une tribune signée en 2020 par 1000 scientifiques, affirmant notamment que « l’inertie ne peut plus être tolérée » face au réchauffement climatique et à la sixième extinction massive des espèces, le mouvement s’est déployé en France, sous le nom de Scientifiques en rébellion. Il revendique 400 membres, et plusieurs milliers de sympathisants qui suivent les actions. (...)
Après une série de mini-COP alternatives partout en France, ces chercheurs révoltés tiendront en effet un « sommet » de leur mouvement à la Base sous-marine du 30 novembre au 2 décembre, au moment où débutera la 28eme conférence des parties (COP28) sur le changement climatique à Dubaï. (...)
« La COP28 est une supercherie totale qui atteint le haut du panier, explique Romain Grard, un des organisateurs de l’évènement bordelais. A commencer par le fait qu’elle soit présidée par Sultan Al Jaber (actuel ministre émirati de l’Industrie et PDG de la compagnie nationale pétrolière Abu Dhabi national oil company), et alors que l’émirat a prévu d’augmenter sa production de brut de 25%. Nous avons donc besoin de mobiliser davantage à travers des contre-COP, un peu partout dans le monde. »
Pour ce faire, les Scientifiques en rébellion vont « mélanger sciences et arts », et faire de la base sous-marine (gracieusement louée par la mairie de Bordeaux) « un endroit sensible permettant d’ouvrir l’imaginaire et faire des liens ». (...)
On parle souvent d’écoterroristes, et la répression vise des scientifiques, alors que les vrais criminels, ce sont ces multinationales. (...)
Ainsi, les Scientifiques en rébellion sont à l’origine d’une lettre ouverte à Emmanuel Macron contre l’A69. Le samedi 2 décembre, ils devraient accueillir Thomas Brail à la base sous-marine pour une table-ronde « transports et métropolisation », regroupant sous ce thème des luttes comme celles contre cette autoroute, les LGV Bordeaux-Dax et Bordeaux Toulouse, mais aussi celle du collectif Amédée-Saint-Germain à Euratlantique. (...)
« J’ai été surpris d’apprendre que depuis 60 ans on rajoutait des nitrites en fortes doses alors que dans mon laboratoire, c’est un poison que l’on garde dans des réceptacles fermés à clé pour éviter que les gens l’utilisent pour se suicider. Puis j’ai constaté qu’il n’y avait pas de controverse scientifique sur ce sujet, alors qu’on estime que 1000 à 3000 morts par an sont imputables à ces additifs. Je me suis mobilisé au sein de l’Anses (agence nationale de la santé et de l’environnement) et j’ai pu voir comment avait été réalisé un simulacre d’évaluation, avec un rapport écrit à l’avance qui permettait aux charcutiers de ne rien faire. » (...)