À travers une plainte déposée devant le parquet national financier de Paris, un collectif d’associations poursuit le groupe Bolloré pour ses acquisitions de concessions portuaires litigieuses en Afrique. Les plaignants considèrent qu’une partie des bénéfices ainsi produits est illicite et en réclament la restitution au bénéfice des populations lésées par cette corruption.
Le milliardaire Vincent Bolloré et son fils Cyrille, à la tête du groupe Bolloré depuis 2019, devront-ils rendre des comptes aux populations africaines spoliées ? Les juteux bénéfices issus de leurs affaires entachées de corruption dans plusieurs pays du continent seront-ils partiellement restitués ? Il s’agirait là d’une première juridique, rendue possible par une circulaire française de novembre 2022 sur la restitution des biens mal acquis qui permet à un État étranger de « solliciter la restitution des biens mal acquis se trouvant sur le territoire français » à la suite d’une décision de confiscation par la justice.
Un mécanisme innovant dont s’est emparé un collectif de onze associations ayant leur siège social en France, en Guinée, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Ghana et en République démocratique du Congo. Le 18 mars 2025, elles ont adressé au procureur national financier une plainte qui détaille l’amitié entre Vincent Bolloré et de nombreux chefs d’État africains, l’acquisition dans des conditions opaques de plusieurs ports, puis la cession en 2022 des actifs de sa filiale spécialisée dans le transport et la logistique en Afrique, Bolloré Africa Logistics, à l’armateur suisse MSC pour un montant de 5,7 milliards d’euros. Cette transaction a permis au groupe Bolloré d’intégrer une plus-value de 3,15 milliards d’euros à son bénéfice en 2022. (...)
« Notre stratégie avec cette plainte est d’attaquer les corrupteurs, et non les corrompus, car ils ont un lien direct avec la France : ils font transiter le produit de ces pratiques frauduleuses dans des banques de l’Hexagone », explique Jean-Jacques Lumumba. Petit-neveu de Patrice Lumumba, ce banquier congolais devenu lanceur d’alerte et activiste anticorruption préside le collectif Restitution pour l’Afrique (RAF), l’une des onze associations plaignantes.
Recel et blanchiment
Vincent Bolloré et son fils sont accusés de recel et de blanchiment. (...)
La restitution aux populations africaines lésées des profits considérés découle de la Convention de Mérida, transposée dans le droit français en 2021 – et opérationnelle depuis la fameuse ordonnance de novembre 2022. Elle prévoit une réallocation de ces avoirs par le biais, notamment, de financement d’actions de développement. Ce mécanisme a été « un élément moteur » pour les ONG qui ont enquêté dans les pays où opère le groupe Bolloré, souligne Jean-Jacques Lumumba :
Notre objectif est que les fruits de la corruption puissent être confisqués pour bénéficier aux populations des pays africains cités dans la plainte. (...)