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Birama, Malien, en Libye : "Ici, on n’est jamais tranquille"
#migrants #Libye #Mali
Article mis en ligne le 6 février 2024
dernière modification le 4 février 2024

Birama vit à Tripoli depuis trois ans. Ouvrier sur un chantier de la capitale, son maigre salaire l’empêche d’avoir une vie décente. Après deux tentatives de traversées de la Méditerranée ratées et un passage traumatisant en prison, le jeune homme n’aspire qu’à une chose : partir en Europe.

(...) "Cela fait un an que je vis à Tripoli, neuf mois que je travaille sur un chantier. Je l’avoue, c’est difficile. Je travaille toute la journée pour 80 dinars par jour [environ 15 euros]. Nous, les Noirs, on n’a pas le même salaire que les autres ouvriers. Les autres, les Arabes ou les Asiatiques, ils peuvent gagner 100 dinars par jour, parfois plus.

Mais je ne dis rien. Quand on ose se plaindre, les patrons nous répondent : ‘Si t’es pas content, tu t’en vas’. Ils nous parlent mal, ils nous traitent mal. Mais moi, je ne peux pas aller ailleurs, car c’est très compliqué de trouver du travail en Libye.

La Libye a été durant des décennies un pays d’installation pour les Africains subsahariens, où le travail est mieux rémunéré que dans leur pays d’origine. Mais depuis la chute du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, le pays est en proie au chaos. Le racisme est omniprésent, rendant très compliqué, voire dangereux, le quotidien des exilés installés sur son territoire. (...)

On a été jetés en prison. Ce qu’il se passe là-bas, c’est… inexplicable. Je restais jour et nuit par terre, dans une grande pièce. La porte ne s’ouvre qu’une fois par jour, pour le repas. Dès qu’on mange, tout le monde s’endort. Je suis sûr que les gardes mettaient des somnifères dans la nourriture.

Depuis des années, de nombreux témoignages de migrants, d’ONG et d’institutions pointent du doigt les atrocités commises dans les geôles libyennes. Dans un rapport publié en décembre 2023, Médecins sans frontières dénonce le comportement des gardiens des prisons officielles libyennes d’Ain Zara et Abu Salim, où s’appliquent viols, tortures et exactions en tout genre. (...)

Une nuit, avec un ami ivoirien, on a essayé de s’enfuir. À 1h du matin, on a cassé les toilettes pour s’échapper, ça a fait un trou dans le mur. Mais les gardiens ont entendu. Ils sont arrivés et nous ont frappés, frappés. J’ai reçu des coups de bâtons juste au-dessus des yeux. La douleur était atroce.

Et puis ils ont demandé une rançon à ma famille pour que je sorte. Les gardiens me disaient : ‘Si personne ne paye, tu meurs’. J’ai eu mes parents au téléphone pour leur demander les sous, mais on n’a pas eu le temps de parler d’autre chose. Deux mois plus tard, ils ont versé l’argent, soit 60 000 francs CFA [un peu plus de 90 euros]. C’est une somme pour eux. Au Mali, ils sont agriculteurs, ils font pousser des bananes, des papayes, et des légumes.
"On n’est jamais tranquille"

À ma sortie, je suis allé à Tripoli, sur les conseils de connaissances, et c’est là que j’ai trouvé du travail. Mais ici, en plus du manque de moyens financiers, on n’est jamais tranquille. L’insécurité, je la ressens tous les jours. Les arrestations de Gargaresh m’ont traumatisées.

En octobre 2021, les autorités libyennes ont mené des rafles de migrants dans ce quartier de la capitale, officiellement pour des raisons de sécurité. Plus de 4 000 hommes, femmes et enfants originaires d’Afrique subsaharienne ont été arrêtés et jetés en prisons. Sept personnes ont perdu la vie dans l’opération. (...)