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Bien sûr que si, la biodiversité s’effondre en Europe
#Climatoscepticisme #biodiversité #Europe #ecosystemes
Article mis en ligne le 5 mars 2025
dernière modification le 3 mars 2025

Un nouveau discours dénialiste émerge : la biodiversité serait saine et sauve en Europe. C’est ce qu’affirme le porte-parole d’un think tank, Action Écologie. Les scientifiques s’opposent à cette déclaration, car elle n’est pas scientifiquement valide.

Nous vivons la sixième extinction de masse : la biodiversité s’effondre. Mais l’Europe fait-elle exception ? C’est ce que sous-entend une interview du porte-parole du think tank « Action Écologie », Bertrand Alliot, dans Le Point le 20 octobre 2024 : « La biodiversité ne s’effondre pas en Europe. » Problème : cette citation est scientifiquement fausse.

Prenons d’abord le seul cas de la France. En 2021, l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature), le Muséum d’histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité publiaient un rapport synthétique s’écoulant sur 13 ans. Au total, 13 842 espèces évaluées (France métropolitaine et outre-mer) ont été prises en compte : sur cet ensemble, 2 430 ont été classées comme menacées et 187 ont tout bonnement disparu. En proportion, sur le nombre d’espèces étudiées, 17,6 % sont en danger. Ce même rapport montrait que cela empire.

Et à l’échelle européenne ? « La biodiversité — la diversité essentielle des formes de vie sur Terre — continue de décliner dans chaque région du monde », indiquait l’IPBES (groupe international d’experts sur la biodiversité sous l’égide de l’ONU) en 2018.

La biodiversité européenne est en danger (...)

« Les écosystèmes ont considérablement diminué en termes de diversité des espèces. Parmi les espèces évaluées vivant exclusivement en Europe et en Asie centrale, 28 % sont menacées. » (...)

Il est également possible d’aller jeter un œil du côté du Muséum d’histoire naturelle. Celui-ci rappelle sur son site qu’un quart des oiseaux d’Europe ont disparu ces 30 dernières années et que 80 % des insectes ailés ont chuté en l’espace de 40 ans en Europe. Rien qu’à Paris, « 60 % des moineaux ont disparu en 15 ans ». En clair, les sources et les études sont solides quant à l’effondrement de la biodiversité en Europe, et aux enjeux de sauvegarde.

Sur les réseaux sociaux, des scientifiques reconnus ont pris la parole pour contester la teneur de cette interview. (...)

« Non, le LPI ne s’intéresse qu’aux vertébrés (une petite proportion du vivant) », nuance Sophie Leguil.

Elle ajoute : « Si l’on regarde l’évolution du LPI pour l’Europe et l’Asie, on constate que l’augmentation des populations de vertébrés mentionnée précédemment n’a pas duré, malgré des succès de conservation indéniables. » En effet, la lutte pour la sauvegarde de la biodiversité n’est pas sans certaines réussites : mais il est nécessaire de ne pas désinformer sur la réalité de la crise, pour que ces politiques de conservation puissent avoir lieu et être utiles. Quelques réussites ne surpassent la crise du vivant dans son ensemble et le déclin plus global mis en avant par les travaux de recherche.

En clair : il n’est pas « catastrophiste » d’affirmer que la biodiversité est menacée en Europe. Il s’agit au contraire d’une réalité très concrète (22 % des espèces animales européennes sont menacées d’extinction selon l’IUCN). (...)

Mais, selon Bertrand Alliot, ce ne serait pas grave si le macareux moine venant à disparaître d’une aire spécifique, comme en Bretagne, et il faudrait toujours parler à l’échelle mondiale. Sauf que, comme le pointe Sophie Leguil, en écologie scientifique, il y a aussi une notion fondamentale de diversité génétique locale, importante pour la bonne santé du vivant dans son ensemble. Sauver des espèces dans chaque région où elles habitent sert aussi à préserver les écosystèmes. La biologie de la conservation s’applique à des aires localisées pour de bonnes raisons.

La désinformation sur la biodiversité

D’ailleurs, on peut s’étonner de la publication de cette interview au premier jour de la COP16 dédiée à la biodiversité, plus grand sommet international dédié à la crise du vivant (en complément de la COP dédiée au climat — la COP29 attendue pour novembre). Le choix de la personne interviewée, qui n’est ni un scientifique ni un spécialiste reconnu sur les sujets environnementaux — au contraire –, pose question. (...)

Ses positions sur les réseaux sociaux ne correspondent en rien à la science et font même le jeu du climatoscepticisme. Au moment de son interview, celui-ci déclare sur X que « le récit de la crise climatique commence à s’épuiser et il faut donc nourrir une autre peur : celle de l’effondrement de la biodiversité ». L’occasion de rappeler que la crise climatique n’est pas un récit, encore moins épuisé, mais un fait scientifiquement avéré. C’est une urgence prouvée comme telle par des sources établies, et dont l’origine humaine fait consensus dans la communauté scientifique. (...)

Pour éviter le pire, il faut agir, pas dénier la réalité. (...)

Durant la crise du covid, nous alertions déjà sur les invitations irresponsables de pseudo-experts dans certains médias : ce constat s’applique aussi à l’environnement. (...)