Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Avec Bérangère Couillard à sa tête, le Haut Conseil à l’égalité s’enlise dans la crise
#HautConeilalEgalite #sexime #femmes
Article mis en ligne le 3 février 2025
dernière modification le 1er février 2025

Notes de frais, recrutement de proches, pouvoir centralisé… La nomination de l’ex-ministre macroniste a aggravé les tensions au sein de cette instance chargée de lutter contre le sexisme. De nouvelles alertes internes font état de « problèmes fonctionnels ainsi que relationnels graves ».

LesLes alertes de Chorus, plateforme qui gère les dépenses de l’État, ont commencé à clignoter fin novembre 2024. À ce moment-là, l’enveloppe dévolue au Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) était entièrement consommée, contraignant les équipes de cette instance consultative indépendante, placée sous l’autorité du premier ministre, à entamer le budget de 2025.

Cet épuisement des ressources a de quoi surprendre au regard du ralentissement d’activité que le HCE a connu ces derniers mois. Rapports enterrés, commissions à l’arrêt, assemblées générales reportées... Selon nos informations, la crise traversée par l’instance chargée de lutter contre le sexisme n’est toujours pas réglée depuis le départ contraint de son ancienne présidente, Sylvie Pierre-Brossolette. D’après les éléments recueillis, elle s’est même amplifiée.

Au printemps dernier, Mediapart révélait les accusations de propos discriminatoires et de harcèlement moral visant l’ex-journaliste, nommée à la tête du HCE en janvier 2022. Dans la foulée, la ministre déléguée chargée de l’égalité, Aurore Bergé, confiait à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) le soin de conduire une enquête administrative. Deux mois plus tard, Sylvie Pierre-Brossolette quittait officiellement son poste « dans l’intérêt du service ».

C’est la macroniste Bérangère Couillard, 38 ans, qui a été choisie pour la remplacer à la tête de cette instance, en théorie indépendante du pouvoir politique et pluraliste. Ancienne secrétaire d’État chargée de l’écologie, puis ministre déléguée à l’égalité dans le gouvernement d’Élisabeth Borne, l’ex-députée Renaissance a pris la tête du HCE quelques jours seulement après avoir été battue par le candidat du Nouveau Front populaire (NFP) au second tour des législatives anticipées de juin en Gironde.

« Le HCE a traversé des moments très difficiles ces derniers mois. J’ai mené de nombreuses consultations cet été et je souhaite continuer le dialogue engagé à travers des rencontres avec les membres au cours du mois de septembre », affirmait-elle lors de sa prise de fonction. Récemment, Bérangère Couillard a multiplié les apparitions dans la presse afin d’assurer le service après-vente du rapport annuel de l’instance sur l’état du sexisme en France, publié le 20 janvier.

Mais derrière ce paravent médiatique, et l’apparente normalité de fonctionnement qui l’accompagne, se cache une situation interne chaotique qui a déjà fait l’objet de plusieurs alertes. (...)

« Une gestion budgétaire problématique »

Les syndicats évoquent notamment « une gestion des ressources humaines irrégulière », « un mode de fonctionnement s’apparentant à celui d’un cabinet ministériel » et « des faits répétés s’apparentant à du harcèlement moral envers plusieurs agents ». Ils soulignent en outre « une gestion budgétaire problématique », résultant en partie de frais de déplacements – transports et hôtel – de Bérangère Couillard, qui a accepté ce poste à Paris alors qu’elle réside à Pessac, dans son ancienne circonscription girondine. (...)

« Depuis septembre 2024, quatre agents sur neuf ont quitté leurs fonctions prématurément et trois autres ont été arrêtées pour raison de santé. Ces départs et retraits reflètent un climat de travail insoutenable », selon le signalement adressé aux organisations syndicales. Les critiques se cristallisent notamment autour du management de la nouvelle secrétaire générale, l’une des plus proches et anciennes collaboratrices de Bérangère Couillard, Kenneth Bourienne. (...)

« Un climat de travail anxiogène » (...)

la commission chargée de travailler sur la lutte contre les violences envers les femmes s’est réunie en janvier, après dix mois de mise en sommeil. (...)

Outre des commissions et des travaux au ralenti, voire à l’arrêt, plusieurs rapports ont été repoussés aux calendes grecques, voire enterrés. C’est notamment le cas de rapports sur la parité dans le sport, la contraception masculine ou encore l’accompagnement des victimes de viol. Difficile à comprendre, alors même que le rôle de l’instance, créée en 2013, est notamment de produire de l’expertise afin d’orienter les politiques publiques au sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes, au cœur des préoccupations sociétales du moment – une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes a ainsi été adoptée le 28 janvier.

Sur ce point, la présidente du HCE nous a longuement répondu (lire la totalité de ses réponses en annexes), nous indiquant avoir « participé à de nombreux événements organisés et continué des consultations engagées durant l’été » dès sa prise de fonction. « Depuis mon arrivée, toutes les commissions ont pu reprendre progressivement leurs activités pour se dérouler aujourd’hui normalement grâce à l’investissement de toutes et tous », assure-t-elle.

Toutefois, l’inquiétude des membres bénévoles de l’autorité s’est aussi manifestée lors du vote du rapport annuel sur le sexisme, le 8 janvier. Pour la première fois depuis la création du HCE, quatre se sont abstenu·es. Non pas pour critiquer le fond du rapport, mais pour rappeler la nécessité « d’un fonctionnement collégial et démocratique » et dénoncer « une centralisation du pouvoir incompatible avec l’esprit du HCE ».