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Mediapart
Aux États-Unis, les dirigeants démocrates se divisent, la base bouillonne
#USA #Trump #resistances
Article mis en ligne le 19 mars 2025
dernière modification le 17 mars 2025

Les manifestations se multiplient dans le pays contre les coups de boutoir de Donald Trump et Elon Musk envers l’administration fédérale. Alors qu’à Washington les démocrates semblent impuissants, sur le terrain, cette dévastation sociale mobilise, comme en Alabama.

Pour le mardi gras, Thomas Diasio se trouvait à la Nouvelle-Orléans, à cinq heures de route de Birmingham. Mais, en cette période agitée politiquement, même les festivités n’ont pas échappé aux passions déclenchées par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Pendant le défilé, deux Cybertruck, ces énormes véhicules au style futuriste fabriqués par le constructeur Tesla d’Elon Musk, ont subi les foudres de la foule, qui les a hués et insultés. (...)

On en vient même à imaginer que le « meilleur scénario » serait un coup d’État pour sauver les institutions.
« C’est comme un film d’horreur »

Un ancien militaire, qui vient d’arriver, juge qu’il faudra bien s’adresser à celles et ceux qui ont voté en novembre pour Donald Trump. « Il faudra gagner leur cœur et leur esprit. » Plus facile à dire qu’a faire, argumente un de ses voisins qui n’en peut plus des folies des Républicains, de leurs mensonges et de leurs attaques contre la démocratie états-unienne.

Sur son compte Facebook, Thomas Diasio publie pas mal de contenus dénonçant la politique de l’actuelle administration et ses attaques contre l’administration fédérale. Il a relayé la traduction en anglais du discours du sénateur français Claude Malhuret, devenu une star des anti-Trump pour avoir comparé Washington à « la cour de Néron » avec « un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique ». (...)

On y trouve aussi des photos des manifestations qui sont organisées toutes les semaines. Telle celle devant le siège de la Sécurité sociale à Birmingham pour dénoncer l’offensive du milliardaire Elon Musk. À l’appel des syndicats, une trentaine de personnes se sont placées le long des trottoirs et brandissent des pancartes où l’on peut lire : « Sauver le pays, sauver la fonction publique », « Mettre fin à la guerre contre les salariés américains ». Celle de Cynthia Johns, présidente de la section locale de l’American Federation of Government Employees (Fédération américaine des employés gouvernementaux), est une adresse aux parlementaires : « Congrès : tenez bon, ne capitulez pas ! » (...)

« Tous les jours, je regarde les informations et c’est comme un film d’horreur. Chaque matin et chaque soir, je regarde les nouvelles en me demandant ce qui va se passer ensuite. Et lorsque vous pensez que la situation est au plus bas, qu’elle ne peut pas être pire, quelque chose d’autre se produit. Ils sont sur le point de détruire le ministère de l’éducation. » (...)

Eric Hall, ancien fonctionnaire et militant de Black Lives Matter, porte un tee-shirt de l’organisation Black Voters Matter « We Fight Back » (« Nous ripostons »). (...)

« C’est un message très important, explique-t-il. C’est un message que nous envoyons au monde pour lui dire que nous n’allons rien laisser passer. Nous allons rester forts et nous allons nous battre. Nous allons nous battre contre cette injustice. Nous allons nous battre contre ceux qui détestent les travailleurs du service public. Nous nous battons pour protéger les employés du gouvernement fédéral, et pas seulement les employés du gouvernement fédéral, mais aussi les anciens combattants et tous les autres. » (...)

Les Démocrates se déchirent

L’appel à ne pas capituler adressé au Congrès inscrit sur la pancarte de la syndicaliste Cynthia Johns n’a pas été entendu. Le lendemain, le chef des sénateurs démocrates au Sénat, Chuck Schumer, et neuf autres de ses pairs permettaient à Donald Trump et aux Républicains d’éviter une paralysie budgétaire.

Pourtant, les Républicains n’ont montré aucune volonté d’accorder des concessions en adoptant à la Chambre des représentants un projet budgétaire prévoyant de nouvelles réductions des dépenses de l’État fédéral, alors que le « coprésident », le milliardaire Elon Musk, a déjà procédé à des dizaines de milliers de licenciements de fonctionnaires et à des coupes sévères dans les agences fédérales et les ministères.

L’opposition démocrate avait l’occasion de montrer son désaccord ferme et total à cette entreprise de destruction, car si le camp républicain détient tous les pouvoirs, en contrôlant la Maison-Blanche et le Congrès, il avait néanmoins besoin de huit voix de l’opposition pour faire passer son texte au Sénat.

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Finalement, le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer, a fait basculer le vote après avoir affirmé pourtant dans un premier temps qu’il s’opposerait. Dans un communiqué, l’élu de New York a expliqué que c’était « le meilleur moyen de minimiser les dommages que l’administration Trump fera[it] subir au peuple américain ».

Ce revirement a provoqué les vives critiques de nombreuses figures du Parti démocrate. Parmi elles, Alexandria Ocasio-Cortez. Interrogée par CNN, la députée issue de l’aile gauche du parti a estimé que la décision de Schumer était « une erreur monumentale », exprimant aussi « un profond sentiment d’indignation et de trahison ».

L’organisation Pass the Torch – créée en 2024 pour appeler Joe Biden à ne pas se présenter et à transmettre le flambeau à Kamala Harris – a estimé que « Chuck Schumer ne veut pas et ne peut pas faire face à ce moment ». « Son seul travail consiste à lutter contre la prise de contrôle fasciste de notre démocratie par Maga, a-t-elle poursuivi. Au lieu de cela, il la favorise directement. » Les activistes ont appelé à la démission de Schumer. (...)

Plus de quatre mois après leur défaite à la présidentielle, les démocrates montrent, une nouvelle fois, leur division entre les frileux et les combattants. Et l’absence d’une ou d’un leader renforce cette impression de désorganisation.

Pourtant, la base, elle, se mobilise. À Birmingham, la branche locale d’Indivisible – un mouvement de terrain créé après la première élection de Trump en 2016 par d’anciens collaborateurs parlementaires du Parti démocrate pour « ralentir, arrêter et repousser » le programme du magnat de l’immobilier – a repris du service, explique l’une de ses responsables, Laura Nadell. (...)

Le 18 mai, Indivisible organisera un grand concert, qui s’appellera « Le rock pour vos droits ». Entre les prestations des groupes, elle prévoit des interventions politiques. « J’essaie de ne pas penser trop fort chaque jour à tout ce qu’ils font parce que sinon, je vais être submergée par la tristesse, l’anxiété et le désespoir. Donc, faire tout ce que je fais m’aide à me sentir mieux », déclare Laura Nadell.

Le rassemblement dont le thème était « La corruption détruit, la communauté construit », où elle prévoyait de se rendre samedi à l’appel du mouvement 50501 (50 manifestations, 50 États, un mouvement), a finalement été annulé à Birmingham. Une tornade était annoncée pour au moins vingt-quatre heures. Mais celle qui est partie de la Maison-Blanche risque de durer plus longtemps.