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Au Tchad, les « guerriers de l’eau » luttent pour garder leurs rues au sec
#Tchad #inondations
Article mis en ligne le 25 octobre 2024
dernière modification le 23 octobre 2024

L’eau monte dans la capitale du Tchad, N’Djamena, après des pluies hors du commun. Dans les quartiers délaissés du sud de la ville, les jeunes s’activent pour construire des digues et repousser l’inondation.

(...) Dans le sud de N’Djamena, capitale du Tchad qui fait face à sa crue la plus haute depuis plus de soixante ans, les jeunes des quartiers concernés se retroussent les manches et Salzabo Dimougna, l’un de leurs coordinateurs, ne dort quasiment plus. « On est les guerriers de l’eau, on fait ce qu’on peut pour atténuer la catastrophe qui touche N’Djamena », dit d’emblée, après avoir raccroché du dernier appel, l’homme de 36 ans. (...)

« La ville, qui est comme un terminus pour les fleuves, a grandi dans des zones plates et inondables, ce qui crée structurellement beaucoup de zones de faiblesse », euphémise l’hydrologue Mahamat Nour Abdallah, professeur à l’université de N’Djamena.

Alors les populations ne peuvent que regarder l’eau s’infiltrer rue après rue dans un quartier, puis dans un autre. Elle mange une par une les maisons. Celles qui sont en briques deviennent des fantômes, celles en terre s’effondrent. Les pirogues se relaient pour quelques centaines de francs CFA (moins d’un euro) pour sortir les habitants des quartiers inondés. (...)

« On est totalement abandonnés par l’État, est-ce qu’on est des citoyens de second degré ? » lance, énervé, un chef de quartier. À quelques mètres de lui, deux garçons d’une dizaine d’années poussent en courant et tout sourire des brouettes chargées de terre vers la « diguette » du coin, une parmi mille construites à la hâte par les brigades de volontaires. (...)

« Et puis, on a survécu à 2022, on va bien survivre maintenant… » À l’époque, N’Djamena avait connu ses pires inondations depuis 1961. 250 000 personnes avaient fui leur domicile et s’étaient entassées dans des camps montés à la hâte le temps que l’eau redescende. On disait que c’était une crue décennale, voire vingtennale. Finalement, deux ans ont suffi pour dépasser le pic d’alors à 8,14 mètres. (...)

C’est après la crue de 2022 que les autorités ont lancé la construction de « La Digue », ce monumental rempart de 32 kilomètres de long pour protéger des futures inondations les quartiers menacés. Mais seuls 48 % des 22 milliards de francs CFA (33 millions et demi d’euros) ont été versés à l’entreprise chinoise contractée, reconnaît le ministre de l’Aménagement du territoire, Mahamat Assileck Halata. Alors l’entreprise n’a pas fini les travaux — 20 % environ manquent. (...)

En plus d’être rempart, elle est devenue au fil des mois une arme politique. Pour des cadres d’opposition, cette digue serait une preuve d’un énième détournement de fonds publics ; pour d’autres côté pouvoir, elle est victime de sabotage d’acteurs politiques pour attirer des fonds d’aide. Chemin faisant, le niveau de l’eau et la tension politique ont lentement grimpé, main dans la main. (...)

En attendant, loin des projecteurs, les habitants des quartiers agissent jour et nuit. (...)