Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Infomigrants
Au Royaume-Uni, les demandeurs d’asile boucs émissaires de la crise de la précarité
#RoyaumeUni #Manche #migrants #immigration #extremedroite #precarite #boucemissaires #solidarites
Article mis en ligne le 12 septembre 2025
dernière modification le 9 septembre 2025

Depuis le mois de juillet, des manifestations anti-migrants ont lieu au Royaume-Uni. Tout a commencé par des accusations d’agressions sexuelles visant un Ethiopien dans la ville d’Epping. Puis le mouvement s’est étendu et cristallisé autour de l’hébergement des demandeurs d’asile dans des hôtels.

Dans la petite ville d’Epping, l’hôtel Bell s’est barricadé derrière des grillages. Comme tous les hôtels accueillant des demandeurs d’asile dans le pays, le site est surveillé par un service de sécurité qui ne laisse entrer que les résidents.

Au sol et sur les panneaux alentours, des Croix rouge de St George ont été taggées. Des traces visibles des manifestations qui avaient lieu ici il y a encore quelques jours pour réclamer la fermeture de l’hôtel hébergeant environ 130 demandeurs d’asile, tous des hommes seuls.

En cause, une accusation d’agression sexuelle en juillet sur une jeune fille de la ville visant un demandeur d’asile éthiopien. Les manifestations ont commencé à Epping peu après cet incident puis se sont propagées à l’ensemble du pays. Le 4 septembre dernier, la justice a reconnu le demandeur d’asile coupable des cinq faits d’accusation qui lui étaient reprochés. Il connaîtra sa peine le 23 septembre lors d’une prochaine audience.

Ce mouvement de protestation - soutenu par l’extrême droite et notamment le parti Reform UK de Nigel Farrage - s’inscrit dans la continuité des manifestations qui avaient déjà secoué le pays l’été dernier après le meurtre de trois fillettes dans la ville de Southport. Le meurtrier avait été présenté – à tort – comme un migrant arrivé illégalement au Royaume-Uni. Il s’agissait en réalité d’un adolescent né au Pays de Galles dans une famille chrétienne originaire du Rwanda.

"22 % de la population vit dans la pauvreté"

Mais cette fois-ci, les protestations se sont concentrées sur l’hébergement en hôtels des demandeurs d’asile. À la suite de l’agression, la municipalité d’Epping a saisi la Haute Cour britannique pour que l’hôtel Bell soit fermé et les demandeurs d’asile envoyés ailleurs. La Cour lui a d’abord donné raison et ordonné la fermeture de l’établissement. Mais une cour d’appel a renversé la décision, estimant que le juge n’avait pas pris en compte l’impact qu’une telle décision aurait pu avoir si d’autres municipalités avaient suivi celle d’Epping. (...)

La décision a donné un peu d’oxygène au gouvernement de Keir Starmer qui craignait de devoir faire face à une crise majeure de l’hébergement des demandeurs d’asile si plusieurs villes avaient été contraintes de fermer leurs hôtels. Pour donner des gages aux manifestants, la ministre de l’Intérieur de l’époque Yvette Cooper (remplacée par Shabana Mahmood le 5 septembre par un remaniement ministériel) a promis que les hôtels servant de centres d’hébergement seraient fermés d’ici 2029.

Mais l’annonce - qui a été suivie d’autres restreignant les droits des demandeurs d’asile - n’a pas calmé la grogne des manifestants. Sophie Watt, chercheuse spécialiste des migrations à l’université de Sheffield voit plusieurs causes à ce mouvement de protestation. En premier lieu, "la précarité économique qui persiste en Grande-Bretagne après des années d’austérité. Il y a 22 % de la population qui vit dans la pauvreté, qui n’arrive pas à en sortir", souligne-t-elle. (...)

Selon elle, les médias d’extrême droite ont également joué un rôle prépondérant dans l’alimentation de cette colère (...)

Les hôtels en eux-mêmes alimentent aussi chez les manifestants l’idée que les demandeurs d’asile bénéficieraient de séjour à l’hôtel gratuits, payés par les Britanniques, et donc de plaisirs dont, eux, sont privés. (...)

La manifestante lance également pelle-mêle toute sorte de reproches infondés aux demandeurs d’asile. (...)

À Epping comme ailleurs, certaines manifestations ont dégénéré et ont abouti à des dégradations de matériels et des arrestations. Dans la rue principale, plusieurs vitrines de magasins ont été brisées. Des demandeurs d’asile hébergés dans un hôtel de West Drayton, à l’ouest de Londres, ont même dû être relogés ailleurs après des manifestations particulièrement violentes le 30 août dernier.

Depuis ces violences, les demandeurs d’asile évitent autant que possible de sortir des hôtels. Un état de fait qui attriste Kerry Gilroy, une habitante d’Epping qui a cofondé le collectif de citoyens Eppping for everyone (Epping est pour tout le monde). "Avant, nous voyions souvent les demandeurs d’asile jouer au football près de la forêt. Ça me faisait plaisir de voir qu’ils se sentaient bien ici", se souvient cette mère de famille.

Elle reçoit InfoMigrants dans le salon de sa maison au côté d’Alice Marcolin, également membre d’Epping for everyone. Elles racontent que le collectif a d’abord rassemblé des femmes de la ville, révoltées que des manifestants prennent la parole à leur place. "Je ne supportais pas d’entendre des manifestants parler à ma place et dire que les femmes ne se sentaient pas en sécurité à Epping avec leur slogan ’Protégez nos filles et nos femmes’", témoigne Alice.

"Nous voulons défendre un autre point de vue"

En réponse aux drapeaux anglais brandis par les manifestants et désormais hissés sur de très nombreux poteaux de villes en signe de soutien au mouvement ultra-nationaliste opposé à la présence de migrants au Royaume-Uni, le collectif a accroché des petits rubans de couleurs à la rambarde d’un trottoir de la ville.