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l’Humanité
Au moins 10 400 exilés morts en 2024 : des côtes africaines à l’Espagne, les routes migratoires de plus en plus meurtrières
#exiles #migrants #immigration #CaminandoFronteras
Article mis en ligne le 25 février 2025
dernière modification le 22 février 2025

Face aux politiques européennes rendant le passage par la Méditerranée centrale de plus en plus difficile, de nouvelles voies apparaissent. Avec plus de 10 400 décès recensés, en 2024, sur la route atlantique, l’ONG Caminando Fronteras alerte sur les conséquences mortifères de ce phénomène.

Un rapport accablant de l’ONG Caminando Fronteras, publié en décembre 2024, met en lumière une autre réalité, faisant de la route atlantique celle où le plus grand nombre de personnes disparaissent.

L’organisation espagnole qui travaille, depuis 2002, avec les communautés exilées et leurs familles pour défendre les droits humains sur les routes migratoires dénombre, désormais, six axes de migration à la frontière occidentale entre l’Europe et l’Afrique. Selon l’ONG, en 2024 plus de 10 400 exilés y ont perdu la vie ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne.

131 embarcations d’exilés disparues, au large de la Mauritanie, en 2024

Un chiffre en hausse de 58 % par rapport à l’année précédente, qui fait exploser les décomptes d’autres institutions (...)

Caminando Fronteras a fait un décompte précis : sur les axes en partance de l’Afrique occidentale, 517 personnes ont péri sur la route dite de l’Algérie, 73 sur celle de l’île d’Alboran, 110 sur celle du détroit de Gibraltar et 9 757 sur les routes de la côte atlantique, principal point de passage migratoire vers les îles Canaries : 70,51 % des victimes étaient parties de Mauritanie et dans une moindre mesure du Maroc, du Sahara occidental, du Sénégal ou de Gambie. (...)

De plus en plus de refoulements et de violences aux frontières

Selon SOS Méditerranée, le choix des exilés de prendre cette nouvelle route est la conséquence directe des politiques migratoires européennes. « Les politiques restrictives de l’Union européenne (UE) et le soutien aux gardes-côtes libyens ont rendu la traversée de la Méditerranée centrale extrêmement périlleuse, poussant de nombreux exilés à emprunter des routes encore plus risquées comme celle de l’Atlantique », dénonce Camille Martin, porte-parole de SOS Méditerranée.

La route de la Méditerranée occidentale, reliant le Maroc à l’Espagne continentale, reste cependant très active. Mais, pour Caminando Fronteras, les exilés empruntant cet axe sont confrontés à des risques de plus en plus élevés de refoulement et de violence. En 2024, plusieurs incidents de refoulement collectif ont été signalés, impliquant des centaines de personnes. (...)

Un projet sécuritaire mené au détriment des droits humains

Ces réalités confirment, pour l’ONG espagnole, l’existence d’une véritable « nécropolitique » impactant les personnes en mouvement, soulignant que leur déshumanisation et leur criminalisation sont au cœur des politiques migratoires actuelles. (...)

« Nous devons protéger nos frontières pour garantir la sécurité de nos citoyens, insistait Gérald Darmanin en novembre 2024. Les flux migratoires incontrôlés représentent une menace pour notre stabilité. »

Au nom de quoi les pays européens multiplient les accords d’externalisation avec les États du Maghreb, tels que le Maroc et la Libye, soumettant des aides financières et la coopération économique au contrôle des frontières. L’UE a ainsi alloué, en 2022, 500 millions d’euros au Maroc pour renforcer sa gestion des flux migratoires. De même, la Libye a reçu environ 327,9 millions d’euros entre 2017 et 2020 pour des projets similaires. Ces accords conduisent de fait à l’augmentation de prises de risque par les exilés contraints de choisir des routes plus dangereuses.
Le pacte européen sur l’asile et l’immigration aggrave la situation

Et les pays européens ne comptent pas s’arrêter là. Dans quelques mois, ils devront tous mettre en application le pacte européen sur la migration et l’asile, adopté en avril 2024. « Cet accord va faire reculer le droit d’asile européen de plusieurs décennies, alerte Eve Geddie, directrice du bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes. Son résultat probable est une augmentation de la souffrance à chaque étape du parcours des personnes cherchant à obtenir l’asile dans l’UE. » (...)

Les exilés, fuyant des situations de guerre ou de pauvreté extrême, prennent de plus en plus de risques mortels. « Les politiques migratoires actuelles de l’UE sont une honte pour l’humanité, s’est insurgé Enrique Santiago, secrétaire général du Parti communiste espagnol, lors d’un rassemblement à Madrid en décembre 2024. Elles sacrifient des vies humaines sur l’autel de la sécurité et de la xénophobie. »

Le responsable politique réagissait ainsi aux révélations des différents rapports alarmants sur les décès d’exilés aux frontières de son pays, dont ceux documentés par Caminando Fronteras. Il rappelait, en outre, que la protection des vies humaines devrait primer sur les considérations sécuritaires et que, pour éviter ces drames à répétition, des efforts concertés devaient enfin être faits pour offrir des voies légales et sûres aux exilés.