
Le (très) controversé président argentin Javier Milei, qui a fait de la tronçonneuse son objet fétiche, a cette fois taillé dans le système étroitement réglementé des droits d’auteur du pays de Borges. Une mesure, prise par décret, qui a provoqué des réactions ambivalentes.
La mesure a été annoncée par le ministre de la Déréglementation et de la Transformation de l’État, Federico Sturzenegger, qui a souligné que la décision visait à « éliminer les monopoles dans la gestion des droits des musiciens, acteurs, réalisateurs, scénaristes et autres travailleurs du secteur artistique ».
Jusqu’à la publication de ce décret, signé par Javier Milei, cinq sociétés dites « de gestion collective » (SGC, aussi appelé organismes de gestion collective en France, OGC) — Sadaic, Sagai, Aadi-Capif, Dac et Argentores – assuraient la gestion de la collecte de droits d’auteur et fixaient les montants des prestations pour chaque catégorie de métier : musicien, scénariste, acteur, réalisateur et auteur.
Ce nouveau texte stipule que les titulaires de droits d’auteur ont à présent le choix de rester affiliés à ces SGC, ou de négocier individuellement leurs tarifs. Le décret ouvre également la possibilité de créer sa propre société de gestion collective pour faire concurrence aux cinq SGC historiques. (...)
Un coup de tronçonneuse sur la tête des artistes ?
Les sociétés de gestion collective, comme la Sagai et la Sadaic, dénoncent le décret et voient en lui une menace sur la sécurité financière des artistes-auteurs. La Société Générale des Auteurs Argentins, Argentores, elle, a réaffirmé dans un communiqué « l’importance de la gestion collective des droits ». « L’action mutuelle menée par ces entités (SGC), qui ne reçoivent pas un centime de l’État, est fondamentale pour rendre efficace la défense des droits d’auteur. Mettre en danger cette fonction sociale, c’est s’attaquer aux moyens de subsistance des créateurs. »
Du côté des artistes, de nombreuses voix se sont également levées. L’Union des musiciens indépendants (UMI) a exprimé son « rejet et son inquiétude » et Gastón Sardelli, chanteur d’Airbag, a déclaré sur X : « Tous les auteurs et compositeurs que je connais, grands ou petits, de tout bord politique, sont en faveur de Sadaic (...) Si tu les laisses faire quand tu es jeune et que tu n’as ni argent ni connaissances, ils [les exploitants de salles] te bouffent. Mais grâce à la réglementation collective, le maximum qu’ils peuvent te prendre, c’est 25 %. »
Du côté des producteurs, sans surprise, cette mesure est vue d’un meilleur oeil. (...)
Ce décret n’est évidemment pas le premier épisode de la guerre entre Javier Milei et le monde de la culture. Quelques semaines après son accession au pouvoir en novembre 2023, le président argentin, dans un effort de déréguler tout ce qui peut l’être, s’était déjà attaqué à la disposition prévoyant le prix unique du livre dans le pays.