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Mediapart
Arabie saoudite : la nouvelle affaire Macron-Benalla
#logicielsespions
Article mis en ligne le 7 octobre 2023
dernière modification le 6 octobre 2023

Emmanuel Macron, Alexandre Benalla et une possible vente de logiciels espions à l’Arabie saoudite. Ce sont les ingrédients d’une affaire ultrasensible, que révèle notre enquête « Predator Files », menée par quinze médias internationaux coordonnés par le réseau européen d’investigation EIC, sur la base de documents confidentiels obtenus par Mediapart et Der Spiegel.

Tout est parti de l’enquête menée par les juges d’instruction Stéphanie Tacheau et Ariane Amson sur la société française Nexa (ex-Amesys), soupçonnée de « complicité de torture » pour avoir livré des systèmes de surveillance à la Libye et à l’Égypte. (...)

À deux reprises, en juin et juillet 2021, les juges d’instruction demandent au Parquet national antiterroriste (Pnat), dirigé par Jean-François Ricard, que le périmètre de l’enquête soit élargi à des soupçons de « complicité de torture en Arabie saoudite ».

Il refuse par deux fois, estimant les éléments de preuve encore insuffisants. (...)

En épluchant ces documents, les gendarmes ont découvert d’autres faits explosifs susceptibles d’éclabousser le chef de l’État et son ancien conseiller Alexandre Benalla, déjà mis en cause dans de multiples procédures judiciaires, et condamné pour trois d’entre elles, notamment au sujet des violences qu’il a commises contre des manifestants le 1er mai 2018, ce qui avait provoqué son renvoi de l’Élysée trois mois plus tard. (...)

L’entreprise française a fait de Riyad un marché prioritaire, malgré la multiplication des atteintes aux droits humains (traque des défenseurs des droits de l’homme, arrestations arbitraires, condamnations à mort) et l’usage de logiciels de piratage pour infecter les téléphones de proches du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné sur ordre de MBS.

Une exécution qu’Emmanuel Macron, soucieux de préserver les ventes d’armes à la dictature saoudienne, n’a critiquée que très mollement, avant d’œuvrer à la réhabilitation de Mohammed ben Salmane sur la scène internationale fin 2021.

Les liens anciens entre MBS et Benalla (...)

avant qu’il devienne l’homme fort du Royaume en 2017, le prince faisait en effet appel, pour sa protection rapprochée, à un jeune agent de sécurité nommé Alexandre Benalla, et à l’un de ses collègues et amis, Christian Guédon, un ancien du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) à la carrière fournie.

Tous les deux s’engageront ensuite, dès l’été 2016, aux côtés d’Emmanuel Macron, dont ils assureront la protection personnelle jusqu’à la victoire à la présidentielle de mai 2017. (...)

Fin 2014, le gouvernement français a conclu avec Riyad, via l’office d’exportation d’armements ODAS, un énorme contrat de trois milliards d’euros nommé Donas, pour « don Arabie saoudite », qui prévoyait la livraison d’armes au Liban.

Selon nos informations, le contrat Donas incluait deux matériels de surveillance reliés entre eux : le dispositif d’écoutes téléphoniques de masse nommé Cortex, fourni par Ercom (aujourd’hui filiale de Thales), et le système Cerebro de Nexa, commandé pour 13,5 millions d’euros.

Mais une crise politique éclate entre Riyad et Beyrouth en 2016. Le contrat est maintenu, mais il est convenu que les matériels seront finalement livrés à l’Arabie saoudite. (...)

L’activisme commercial de Nexa n’a en rien été freiné par l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, sauvagement tué puis démembré en octobre 2018 à Istanbul par les services secrets de Riyad. (...)

Dans le contrat de 2020 avec Nexa, Gamma s’engageait à fournir, moyennant finances, des « contacts » de haut niveau afin d’aider le groupe français à vendre toute sa gamme de produits à la « cour royale d’Arabie saoudite », y compris les « solutions d’intrusion wifi » et « les chevaux de Troie et solutions d’infection ». Ce qui correspond au logiciel Predator, commercialisé à l’époque par Nexa. (...)