Adoptée sous les applaudissements de l’extrême droite, la loi immigration laisse le camp présidentiel sonné. Après la démission du ministre de la santé, Aurélien Rousseau, la majorité sauve son unité mais les plaies sont profondes.
A l’heure de faire le bilan de ses deux quinquennats, on retiendra d’Emmanuel Macron son aplomb et sa confiance en soi à toute épreuve. Invité de France 5 mercredi, le président de la République a crânement assumé la loi immigration adoptée mardi sous les applaudissements du Rassemblement national (RN). « C’est le bouclier qu’il nous manquait », a-t-il affirmé, face au « problème » de l’immigration.
Saluant le « compromis » trouvé avec la droite d’opposition, le chef de l’État a réaffirmé la nécessité, selon lui, de « se battre contre les flux, c’est-à-dire les arrivées clandestines » et de « mieux intégrer par l’apprentissage de la langue et du travail ». Face aux critiques, nombreuses, Emmanuel Macron a même ironisé sur celles et ceux qui voyaient dans cette loi « une rupture ontologique de régime ».
Et pourtant, le vote par les deux chambres du projet de loi sur l’immigration a secoué le camp présidentiel. Le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, a claqué la porte dès le lendemain de l’adoption du texte. La veille, il avait prévenu Matignon et l’Élysée : si vous faites ça, ça sera sans moi. Le virage droitier du quinquennat, l’entêtement présidentiel sur la réforme des retraites et sur l’immigration avaient déjà chagriné l’ancien haut fonctionnaire.
À l’époque directeur de cabinet de la première ministre, il avait fini par claquer la porte de Matignon, lassé des accès de colère de sa supérieure autant que de la dérive droitière du quinquennat. L’ancien militant communiste claque désormais celle de son ministère, ulcéré par la promesse formulée par Élisabeth Borne de réformer l’aide médicale d’État (AME) début 2024. « Cela touche aux murs porteurs, a-t-il expliqué au Monde. Je ne donne de leçons de gauche ou de morale à personne. Je constate cliniquement que ce n’est pas possible pour moi d’expliquer ce texte. »
Plusieurs de ses collègues ont dit la même chose… en chuchotant. (...) Deux jours plus tard, aucun des membres du gouvernement n’a suivi Aurélien Rousseau dans le mouvement. (...)
Au sommet de l’État, on espère que le départ d’Aurélien Rousseau restera le seul, condition indispensable pour continuer à diminuer sa portée. Sans prononcer son nom, Emmanuel Macron a évacué son départ, mercredi à la télévision. (...)
Pour les autres, Élisabeth Borne multiplie les réunions et les appels téléphoniques pour atténuer la déflagration de mardi. Son entourage se félicite en son nom de l’absence de départ supplémentaire. (...)
Devant sa télévision, un élu Renaissance lâchait, dubitatif : « Notre président a une analyse très personnelle de ce qui se passe. »
Même à Renaissance, le clivage gauche-droite réapparaît (...)