
« Nous appelons les journalistes et critiques politiques qui œuvrent pour une information impartiale et véridique, à apporter une couverture médiatique plus globale et plus juste sur ce qui se passe actuellement dans l’archipel. » Une cinquantaine d’universitaires, artistes et citoyen·es de Kanaky/Nouvelle-Calédonie et de France interpellent les responsables politiques et les médias. Et alertent sur les nombreuses contrevérités en circulation dans les débats en cours.
Nous, citoyen·nes de Kanaky/Nouvelle-Calédonie et de France, engagé·es pour la justice envers le peuple kanak et les peuples colonisés, appelons le plus grand nombre à prendre conscience de la crise politique, sociale et économique qui se déroule actuellement en Kanaky/Nouvelle-Calédonie.
Malgré les dix jours de mobilisations pacifiques (les « Dix jours pour Kanaky » ) organisés par le mouvement indépendantiste sous le leadership de la Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT) et l’adoption, le 13 mai, par la majorité du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de la résolution demandant le retrait du projet de loi sur la modification du corps électoral provincial, le passage en force du Parlement français le 14 et 15 mai dernier a attisé les tensions dans la capitale de l’archipel.
Le corps électoral gelé est un acquis fondamental pour le peuple kanak minorisé dans son propre pays. Obtenu au prix de vies kanak et françaises, il est formalisé dans l’Accord de Nouméa signé en 1998.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le passage en force de l’État français a causé 7 morts officiellement, des centaines de blessés, l’instauration de l’état d’urgence, l’interdiction de TikTok et le déploiement des forces de l’ordre (gendarmes, GIGN, CRS et forces armées de Nouvelle-Calédonie) de façon démesurée.
Certains représentant·es et commentateur·ices politiques profitent de l’ignorance générale quant à la nature de ces mobilisations et s’empressent de ressortir le discours qualifiant les Kanak de « voyous » et « terroristes », souvent utilisés dans les années 80 pour décrédibiliser le mouvement indépendantiste et justifier le recours à la force de l’État français.
Nous appelons les journalistes et critiques politiques qui œuvrent pour une information impartiale et véridique, à apporter une couverture médiatique plus globale et plus juste sur ce qui se passe actuellement dans l’archipel (...)
Nous appelons les représentant·es politiques qui siègent à l’Assemblée Nationale et au Sénat de montrer une plus grande vigilance quant à la désinformation et aux propos biaisés qui circulent au cours de leurs débats sur les aspirations et les actions du peuple kanak colonisé et des populations qui veulent construire le pays avec lui, ainsi que sur le projet politique indépendantiste.
Nous appelons enfin tous les représentant·es politiques de Kanaky/Nouvelle-Calédonie qui n’ont pas su accepter la main tendue par le peuple autochtone kanak mais qui ont, au contraire, au cours de ces dernières années, et jours, refusé de négocier autrement que selon leurs propres termes, durci leurs positions politiques et, plus récemment, appelé à la mobilisation de milices armées et mortifères, à prendre leur pleine et entière responsabilité.
Bien que le processus d’autodétermination du territoire exigeait la neutralité de l’État français, le président Emmanuel Macron avait clairement annoncé son parti pris en déclarant en mai 2018, lors d’une visite dans l’archipel à la veille du 1er référendum, que « la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie ». (...)
Le gouvernement français a failli dans sa responsabilité face à la Kanaky/Nouvelle-Calédonie et, au lieu de continuer le processus de décolonisation sur lequel il s’était engagé depuis deux décennies, s’est borné à son agenda politique jusqu’au-boutiste en faisant passer le troisième référendum d’autodétermination par la force en 2021 et en faisant voter le dégel du corps électoral à Paris en 2024, en l’absence totale de représentant·es politiques kanak et/ou indépendantistes, par des politiques qui, pour la plupart, ignorent l’histoire et le contexte historique et politique du pays, ainsi que l’impact de leurs décisions pour la population de Kanaky/Nouvelle-Calédonie.
Plutôt que le chemin du dialogue et de l’humilité, ce gouvernement a choisi celui de la force (...)
Nous appelons la population ainsi que les représentant·es politiques, médias et journalistes français·es à se conscientiser et à se mobiliser pour une plus grande justice envers le peuple kanak et les populations engagées à ses côtés en Kanaky/Nouvelle-Calédonie.
Si le contexte de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie a souvent été brandi comme « exception » dans l’histoire de la France, en ce qu’il représente une opportunité de première décolonisation « réussie », les actes de l’État français piétinent cette opportunité aux dépens du peuple kanak et des autres communautés du pays désirant vivre ensemble paisiblement et de manière égale.
L’histoire contemporaine nous enseigne que la légalité des actions d’un gouvernement n’est pas forcément juste ni humaine. (...)
ce n’est pas la Nouvelle-Calédonie qui rend la France plus belle, mais la capacité du peuple français à s’engager sur la voie de la décolonisation et à véritablement incarner les valeurs promues par la France.