
La justice administrative a retiré vendredi son agrément à Anticor, pilier associatif de la lutte contre la corruption en France. Mais l’association, qui a reçu de nombreux soutiens, n’entend pas en rester là.
Le couperet est tombé. Le tribunal administratif de Paris a annulé, ce vendredi, l’arrêté d’avril 2021 qui renouvelait l’agrément d’Anticor, association en pointe en matière de lutte contre la corruption en France. "Cette annulation constitue une atteinte grave à la démocratie, ainsi qu’aux libertés associatives", a réagi Anticor sur Twitter. Cette décision pourrait, selon l’association, avoir des conséquences sur plusieurs dossiers politico-financiers sensibles.
Explications.
Qu’est-ce qu’Anticor ?
Créée en 2002 par le juge Éric Halphen et Séverine Teissier, élue socialiste de Clichy (Hauts-de-Seine), Anticor a pour ambition de "lutter contre la corruption" et "rétablir l’éthique en politique". L’association affirme regrouper des citoyens et des élus de toutes tendances politiques, engagés pour faire respecter "les exigences démocratiques non partisanes".
Avant la décision du tribunal, Anticor était impliquée dans 159 procédures judiciaires, selon sa présidente, Elise Van Beneden. Parmi ces nombreux dossiers, on peut citer l’affaire Bolloré (soupçons de corruption au Togo), l’affaire Richard Ferrand, l’affaire Alexis Kohler (secrétaire général de l’Élysée), les contrats russes d’Alexandre Benalla ou encore l’attribution du Mondial de foot au Qatar. En 2020, elle a également porté plainte devant la Cour de justice de la République contre le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti pour des soupçons de prise illégale d’intérêt.
À quoi sert cet agrément ?
Jusqu’ici, Anticor bénéficiait donc d’un agrément octroyé par Matignon pour trois ans, via l’arrêté du 2 avril 2021. C’est cet agrément qui lui permettait d’intervenir en justice au nom de l’intérêt général, en portant plainte avec constitution de partie civile dans des dossiers de corruption, de prise illégale d’intérêt, de favoritisme, ou encore de détournement de fonds publics.
Deux autres associations disposent de cet agrément : Sherpa et Transparency International.
Comment expliquer cette décision de la justice ? (...)
L’annulation est donc rétroactive au 2 avril 2021.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Anticor entend contester la décision devant la cour administrative d’appel de Paris. Elle a déposé dans l’après-midi "une demande de nouvel agrément", a précisé la présidente de l’association.
Quelles conséquences sur les affaires en cours ? (...)
Quelles sont les réactions ?
Anticor tenait ce vendredi après-midi une conférence de presse, en présence d’élus soutenant l’association, notamment la députée LFI Raquel Garrido. "Anticor est un ovni. Elle n’accepte pas les subventions publiques, refuse les dons d’entreprise. Son financement vient des cotisations de ses adhérents et des dons des personnes physiques. C’est extrêmement rare comme fonctionnement", a défendu la présidente de l’association. (...)
D’autres ont exprimé leur soutien sur Twitter. La secrétaire nationale d’EELV Marine Tondelier a fustigé une décision "extrêmement inquiétante", quand le LFI Thomas Portes s’inquiétait d’une "nouvelle atteinte gravissime aux libertés". (...)
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– Anticor
Pourquoi l’agrément ministériel d’Anticor a-t-il été annulé ?
L’arrêté signé en avril 2021 par le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, était mal rédigé.
Saisi par un adhérent et un ancien vérificateur aux comptes d’Anticor, le Tribunal administratif a statué, non pas sur l’indépendance d’Anticor comme cela a pu être dit, mais sur l’arrêté d’agrément (mal) rédigé par les services du Premier Ministre : sur une erreur de droit donc.
L’association anticor n’avait malheureusement pas pu agir contre cette erreur en 2021. Il est en effet impossible de contester une décision favorable devant le tribunal administratif.
Le 23 juin 2023, Anticor a envoyé une nouvelle demande d’agrément qui a été reçue par les services d’Elisabeth Borne.
Le 23 août 2023, Anticor a déposé un recours devant la Cour administrative d’appel de Paris pour contester l’annulation de son agrément. L’association a déposé un deuxième recours demandant la suspension des effets de la décision du Tribunal administratif jusqu’à ce que la Cour administrative d’appel se prononce.
L’audience s’est tenue le 19 octobre 2023 devant la Cour administrative d’appel de Paris.
Le 16 novembre 2023, la Cour administrative d’appel de Paris a rendu sa décision et, contre l’avis du rapporteur public, a confirmé le jugement prononcé en première instance annulant l’agrément anticorruption de l’association Anticor.
La confirmation de l’annulation de l’agrément d’Anticor par la Cour d’appel du tribunal administratif de paris confirme une nouvelle fois que l’association Anticor est victime de la rédaction erronée de l’arrêté signé par Jean Castex en 2021. La juridiction, qui s’est uniquement appuyée sur des motifs de forme liés à la rédaction de l’arrêté, s’est refusée à une analyse portant sur le respect par Anticor des conditions d’octroi de l’agrément.
Les juges n’auront pas suivi les conclusions du rapporteur public allant dans le sens d’une annulation du jugement de première instance et indiquant qu’Anticor remplissait les conditions nécessaires à l’octroi de l’agrément et que l’intervention de l’actuelle Première Ministre valait substitution de motif.
En effet, ce jugement intervient alors que les conclusions du mémoire produit par les services de la Première ministre, Elisabeth Borne étaient favorables à Anticor. Ces conclusions reconnaissent en effet qu’en 2021, Anticor remplissait les critères d’octroi de l’agrément, soulignant notamment que l’association s’était déjà dotée d’un commissaire aux comptes et qu’elle garantissait l’indépendance et la transparence financières requises pour obtenir de l’agrément.
Anticor a annoncé saisir très prochainement le Conseil d’État