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Mediapart
Affaire Legay : la construction d’un mensonge d’État
#GenevieveLegay
Article mis en ligne le 10 janvier 2024
dernière modification le 8 janvier 2024

Emmanuel Macron, Christian Estrosi et le procureur de la République de Nice l’assurent au lendemain de la manifestation des gilets jaunes du 23 mars 2019 : aucun membre des forces de l’ordre n’a touché Geneviève Legay, une pacifiste de 73 ans grièvement blessée. La journaliste Pascale Pascariello va alors mener tambour battant une enquête qui va pulvériser ce mensonge, et aboutir à un procès ce jeudi 11 janvier 2024. Premier volet de son récit.

Mars 2019 : la France est jaune. Tous les week-ends, un peu partout dans le pays, des manifestant·es se mobilisent pour leur pouvoir d’achat. La répression est féroce : les forces de l’ordre gazent, éborgnent, mutilent. À Nice, une militante d’Attac, Geneviève Legay, 73 ans, est bien décidée à braver l’interdiction qui est faite de manifester place Garibaldi, et elle le fait savoir à différents médias venus couvrir l’événement.

Mais alors que la foule fait pacifiquement connaître son mécontentement, le commissaire Souchi ordonne aux forces de l’ordre de charger. Quelques instants plus tard, Geneviève Legay se retrouve à terre, blessée, inanimée. Sa photo alimente immédiatement les réseaux sociaux et les chaînes d’info. Que s’est-il passé ?

Pour le président Emmanuel Macron comme pour le maire de Nice, Christian Estrosi, il est hors de question d’assumer un tel loupé. Mais plutôt que de charger les policiers, ils vont les dédouaner : Geneviève Legay a dû trébucher. Ou être renversée par un journaliste.

Spécialiste des violences policières à Mediapart, la journaliste Pascale Pascariello décide de mener une enquête, qui conclura à la responsabilité de l’autorité policière.

Le jeudi 11 janvier, fait rarissime, c’est donc un commissaire qui sera jugé pour les ordres qu’il a donnés. Tandis que le policier qui a renversé Geneviève Legay n’a pas été poursuivi. (...)

Chronologie

  • 23 mars 2019 : Manifestation des gilets jaunes à Nice. Lors d’une charge policière, Geneviève Legay, 73 ans, est renversée. Bilan : une hémorragie dans les méninges, de nombreux hématomes et plusieurs fractures dont une au crâne.
  • Le jour même : Jean-Michel Prêtre, procureur de la République de Nice, ouvre une enquête « en recherche des causes des blessures » et affirme que la militante d’Attac a chuté « et s’est cognée contre un pylône fixe ».
  • 25 mars 2019 : Dans un entretien avec Nice-Matin, le président de la République assure que « cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre ».
  • 28 mars 2019 : Mediapart publie une enquête qui contredit ces affirmations. Un procès-verbal rédigé par un officier de police judiciaire, datant du 23 mars (jour de la manifestation) à 19 h 05, relate que « selon les premiers éléments recueillis, la septuagénaire aurait été bousculée par un homme qui portait un bouclier ». Le lendemain, une instruction est ouverte pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique ».
  • 8 avril 2019 : un nouvel article de Mediapart révèle que la policière chargée de l’enquête, Hélène Pedoya, n’est autre que la compagne du commissaire Souchi qui a donné l’ordre de charger les manifestants.
  • 16 juin 2019 : Rabah Souchi et Hélène Pedoya sont médaillés par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner. Créée en 2012, la médaille de la sécurité intérieure est « destinée à récompenser les services particulièrement honorables notamment un engagement exceptionnel [...], et à récompenser des actions revêtant un éclat particulier ».
  • 24 juin 2019 : Mediapart publie un rapport de gendarmerie datant du 25 mars et dans lequel les gendarmes expliquent avoir refusé de participer à la charge décrétée par le commissaire Souchi, car la jugeant « disproportionnée ».
  • 10 juillet 2019 : l’instruction est dépaysée à Lyon.
  • 1er août 2019 : le procureur Jean-Michel Prêtre est muté.
  • 9 avril 2020 : dans le cadre de l’enquête judiciaire, l’IGPN rend ses conclusions : elle juge elle aussi la charge disproportionnée.
  • 9 novembre 2020 : le commissaire Souchi est mis en examen pour « complicité, par ordre ou instruction, de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ».
  • 11 janvier 2024 : procès du commissaire Souchi.

(...)