
Au début, tout semble se dérouler normalement. La salle est bondée, comme d’habitude : les soutiens des sept mis en cause n’ont cessé de grossir les rangs du public, durant les quatre semaines du procès dit de « l’affaire du 8 décembre ». Ils sont accusés d’association de malfaiteurs terroriste, en lien avec l’ultragauche. Il est environ dix heures trente lorsque le tribunal arrive et s’installe. La présidente se met à lire sa décision.
La présidente entame la lecture de ses motivations. La première sur la constitution de l’association de malfaiteurs terroristes. Elle reprend l’article de loi qui donne une définition – très vague – de ce qu’est le terrorisme. Puis elle explique que, pour le tribunal, les actes des mis en cause « supposent une organisation, une stratégie » qui traduit « de manière univoque leur volonté à plus ou moins long terme de commettre des délits ».
Cette analyse s’applique « sans qu’il soit nécessaire d’avoir de projet, explique la présidente. C’est le rattachement à cette entreprise qui caractérise l’infraction. Il ne s’agit pas de démontrer le projet, mais l’intention de membres de cette association », continue-t-elle pour justifier que, malgré l’absence de projet précis et d’allégeance à un groupe reconnu comme terroriste, le tribunal a considéré que l’association de malfaiteurs terroriste était constituée. (...)
La présidente entame la lecture de ses motivations. La première sur la constitution de l’association de malfaiteurs terroristes. Elle reprend l’article de loi qui donne une définition – très vague – de ce qu’est le terrorisme. Puis elle explique que, pour le tribunal, les actes des mis en cause « supposent une organisation, une stratégie » qui traduit « de manière univoque leur volonté à plus ou moins long terme de commettre des délits ».
Cette analyse s’applique « sans qu’il soit nécessaire d’avoir de projet, explique la présidente. C’est le rattachement à cette entreprise qui caractérise l’infraction. Il ne s’agit pas de démontrer le projet, mais l’intention de membres de cette association », continue-t-elle pour justifier que, malgré l’absence de projet précis et d’allégeance à un groupe reconnu comme terroriste, le tribunal a considéré que l’association de malfaiteurs terroriste était constituée. (...)
pour conclure que « bien qu’aucun projet ne soit abouti et que les personnes ne se connaissent pas toutes entre elles, une association entre ces diverses personnes existe. » (...)
Au moment où tout le monde comprend que le tribunal considère les mis en cause coupables, la salle s’agace. La présidente, excessivement réactive, demande l’évacuation. Refus collectif de bouger des bancs. À onze heures environ, la magistrate suspend l’audience et s’en va avec ses assesseures. Chahut dans la salle. Les soutiens des mis en cause lancent des invectives : « C’est vous les terroristes », « Vous êtes des immondices ». Des policiers arrivent en nombre et la tension monte soudainement. (...)
Les agents demandent à l’assistance de partir. Nouveau refus collectif. Certains mis en cause s’interposent alors que les cris « Liberté ! » fusent. La gêne des forces de l’ordre est palpable. On les imagine mal sortir tout ce monde, dont quelques personnes âgées, par la force. (...)
« Vous êtes en train d’imposer une jurisprudence appliquée aux jihadistes à un homme qui a combattu Daech ! Retenez bien ça ! », s’écrie le frère de Camille. On ne sait pas encore quelles seront les peines. Mais tout le monde a compris que les mis en cause vont être condamnés. Alors tous défilent auprès des mis en cause et les serrent dans les bras. Des larmes coulent. Une bonne partie de la salle s’en va en chantant « À bas l’État policier ! ». Une quarantaine de personnes restent. On attend le retour du tribunal. (...)
Plusieurs dizaines de minutes plus tard, l’audience reprend. Mais la présidente n’est pas satisfaite du nombre de personnes présentes. « Choisissez trois personnes chacun et c’est tout », ordonne-t-elle aux mis en cause avant de suspendre une nouvelle fois l’audience. Ils refusent de se plier aux injonctions. (...)
Au bout de quarante minutes supplémentaires de tergiversations, le tribunal finit par revenir. La magistrate, visiblement très agacée, refuse de continuer de motiver sa décision et annonce les peines de but en blanc. Celles-ci vont de deux ans avec sursis pour Loïc à cinq ans ferme aménageables, dont trente mois de sursis, pour Florian. Les peines des personnes les moins impliquées au dossier (Camille, Manuel) ont été sensiblement relevées par rapport aux réquisitions du parquet, alors que celles des premiers concernés (William, Simon, Florian) ont été réduites (...)
Aucun d’entre eux ne retourne en prison, mais la grande majorité subit une inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes et une interdiction d’entrer en contact les uns avec les autres. Or ces mesures avaient été levées durant le contrôle judiciaire. (...)
Pour Me Raphaël Kempf, la décision dans son ensemble est dangereuse. « Ce jugement signe l’extension à la sphère politique et militante de la notion de terrorisme. Les juges disent que le fait d’exprimer un ressentiment à l’égard de l’institution policière pourrait constituer un acte de terrorisme. » (...)
Aucune décision d’appel n’a pour le moment été actée, mais nombreux sont les mis en cause qui y songent, quitte à courir le risque d’une décision plus ferme et d’une incarcération à la clé.
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– (lundi matin)
Affaire du 8 décembre : récit d’une mise en examen pour association de malfaiteurs terroriste
(...) Tout part de la surveillance de cet ami qui était parti au Rojava quelques temps avant. Comme toutes les personnes qui se sont rendues sur place, cela a attiré l’attention de la DGSI à son retour. De cette surveillance est née un rapport, qui va servir à « judiciariser » notre affaire. Ça, c’est en février 2020. À partir de là, il y a donc dix mois d’enquête avant nos arrestations, enquête qui se base sur l’idée que cette personne revenue du Rojava chercherait à monter un groupe « en vue de commettre des actions violentes contre les forces de l’ordre ou des militaires ». En gros, ce qui nous est reproché, c’est ça : association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, en vue de commettre des crimes d’atteinte aux personnes.
C’est un chef d’inculpation un peu particulier, dans le sens où il est complètement fourre-tout. Les jurisprudences de ces dernières années, alimentées par l’islamophobie ambiante, ont élargi les possibilités de condamnation. Un « esprit de projet » suffit à établir une culpabilité, sans qu’il n’y ait besoin d’actes ou de préparation, ce qui permet de donner une place légale au fantasme et à l’interprétation dans un dossier. Tu peux faire partie d’une association de malfaiteurs sans en avoir conscience.
D’ailleurs la première chose à dire c’est que parmi les neuf personnes arrêtées le 8 décembre, on ne se connaît pas toutes et tous. Pour certain.es, on ne s’est rencontrés une seule fois, pour d’autres on ne s’est jamais vu. Pour valider cette notion de « groupe », dans le rapport de la DGSI à l’origine de l’affaire, il est écrit qu’on aurait tous l’intention d’habiter ensemble dans un squat. Dix mois plus tard, ils nous arrêtent aux quatre coins de la France. On ne se connaît déjà pas tou.tes, alors habiter ensemble c’est pas à l’ordre du jour ! (...)