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Affaire des eaux en bouteille : un rapport du Sénat dénonce « un scandale industriel » doublé d’un « scandale politique »
#eau #eauminerale #fraude #contaminations #Nestlé
Article mis en ligne le 22 octobre 2024
dernière modification le 20 octobre 2024

A la suite de la polémique sur le non-respect de la réglementation des eaux en bouteille en janvier dernier, les sénateurs avaient lancé une mission d’information. Ils remettent leurs conclusions ce mercredi 16 octobre. Si le géant Nestlé est particulièrement visé pour sa lenteur de mise en conformité, les élus mettent aussi en lumière le manque de clarté de la position des autorités publiques et demandent plus de transparence aux industriels comme à l’Etat.

L’affaire avait fait beaucoup de bruit. Fin janvier 2024, le Monde et Radio France ont révélé qu’une large partie des eaux vendues sous l’étiquette « minérale naturelle » ou « de source », subissaient des traitements de purification similaires à ceux utilisés pour l’eau du robinet. Plusieurs grandes marques sont concernées par cette pratique illégale. Notamment Nestlé Waters (Perrier, Vittel, Hépar et Contrex) qui a dissimulé au grand public la contamination de l’eau qu’il puisait et a utilisé des méthodes de purification interdites tout en gardant l’étiquette « minérale naturelle ».

L’eau minérale naturelle et l’eau de source se distinguent de l’eau rendue potable par traitement par leur « pureté originelle ». Les deux premières, puisées dans les nappes souterraines profondes, sont censées être naturellement saines et ne peuvent subir qu’un nombre très restreint de traitements. Les méthodes de filtration utilisées par Nestlé, révélées en janvier dernier, sont donc interdites. Le groupe n’aurait pas dû pouvoir vendre ses bouteilles en tant qu’« eau minérale naturelle ». (...)

Dès 2020, des traitements non-conformes de l’eau sont signalés aux autorités par un salarié des Sources Alma (Cristalline). Une enquête du Service national d’enquêtes (SNE) de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – qui contrôle la loyauté des produits – est déclenchée. Elle est ensuite élargie à d’autres exploitants et débouche sur un signalement au procureur en juillet 2021 pour « tromperie ».

Plus d’un mois après, Nestlé Waters reconnaît avoir recours à des traitements interdits dans certaines usines de conditionnement d’eau minérale naturelle. « Ils ont avoué parce qu’ils savaient que leurs pratiques auraient été découvertes », souligne Antoinette Guhl. (...)

Une réponse de l’Etat « tardive et confidentielle » (...)

La mission d’information déplore « qu’aucune mesure de suivi immédiat n’a été prise pour éviter la mise sur le marché d’eau minérale naturelle ne remplissant pas les conditions requises pour être commercialisées ». Mais aussi que la réponse de l’Etat, en ayant simplement saisi l’Igas, a été « tardive et confidentielle ».

Le rapport de l’Igas s’inquiète aussi du développement de la microfiltration, très utilisée par Nestlé. (...)

Le plan de transformation de Nestlé

Tout au long de l’année 2023, un plan de transformation est présenté par Nestlé Waters aux autorités politiques sous l’égide des services de l’Etat. (...)

En avril 2023, la Direction générale de la Santé (DGS) met en place une « surveillance renforcée » des zones exploitées par Nestlé Waters dans les Vosges. Le même contrôle est ensuite mis en place dans le Gard. La mission d’information note que cette « surveillance renforcée n’a pas permis de lever les doutes quant au respect en toute circonstance des critères de ‘pureté originelle des ressources’ ». Face à des « doutes persistants », Antoinette Guhl préconise de poursuivre et d’étendre la surveillance renforcée, notamment dans les endroits encore peu surveillés aujourd’hui.

« Une mauvaise collaboration entre les autorités compétentes » (...)

La mission d’information pointe aussi un manque de « transparence des relations de l’industriel avec les pouvoirs publics ». (...)

Pour éviter toute entrave dans les contrôles, la sénatrice Antoinette Guhl recommande de « pérenniser les inspections inopinées ». Elle réaffirme « l’obligation pour les exploitants de laisser les agents de contrôle pénétrer immédiatement sur le site », quand un contrôle est effectué. L’élue écologiste poursuit en préconisant des « mesures correctives » assorties de « mesures de publicité » en cas de non-conformité pour porter à l’attention du consommateur le problème.

Le rapport s’interroge aussi sur des pratiques qui attaquent « la pérennité et la qualité de la ressource en eau minérale naturelle ». Notamment les prélèvements excessifs, l’artificialisation des sols ou l’émission de polluants issus des activités humaines. Le changement climatique apparaît quant à lui comme un « facteur aggravant » de la vulnérabilité des sources. Pour disposer d’une meilleure information sur la soutenabilité et la vulnérabilité de la ressource, la rapporteure préconise de lancer « une campagne d’études des hydrosystèmes exploités par les industriels », de « rendre publique les quantités d’eau prélevées par les exploitants », mais aussi « d’actualiser le plan d’action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées afin de disposer d’informations complètes sur leur niveau de pollution ».