En 2019, l’accusation d’Adèle Haenel contre le réalisateur avait bouleversé le cinéma français. Son procès débute ce 9 décembre au tribunal correctionnel de Paris. Rappel des faits.

(...) Fin 2000, Christophe Ruggia, auteur du film Le Gone du Chaâba, est à la recherche d’une actrice pour son long métrage Les Diables. Le film met en scène
l’amour incestueux de deux orphelins fugueurs, et comprend des scènes de nu. Il rencontre Adèle Haenel lors d’un casting et se dit captivité par la jeune ado – elle a alors 12 ans, lui 36. Pendant les mois de préparation et le tournage du long métrage, l’actrice évoque une « emprise » grandissante de la part du réalisateur, qui l’isole du reste de l’équipe. Sur le plateau, de nombreux membres du film constatent le comportement ambigu de Ruggia, mais aucun d’entre eux n’est alors témoin de « geste à connotation sexuelle ».
Des faits qui auraient duré trois ans

C’est après le tournage que, selon Adèle Haenel, des « attouchements » auraient eu lieu à l’occasion de rendez-vous réguliers, le week-end, dans l’appartement parisien du réalisateur. Cela aurait duré trois ans. (...)

À l’époque, la prise de parole d’Adèle Haenel avait connu un fort retentissement : pour la première fois, une actrice consacrée parlait à visage découvert, mais aussi son récit était conforté, étayé par de nombreux témoins qui, eux aussi, avait accepté que leur identité soit révélée. D’abord réticente à porter l’affaire devant la justice – elle avait déclaré : « La justice nous ignore, on ignore la justice » –, la comédienne avait finalement porté plainte après l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris en novembre 2019. (...)

Depuis, Adèle Haenel est devenue l’un des visages de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. En février 2020, elle avait notamment quitté avec fracas la cérémonie des César à l’annonce de la victoire de Roman Polanski, qui faisait l’objet de plusieurs accusations pour viol et agressions sexuelles. En mai 2023, dans une lettre envoyée à Télérama, la comédienne qui se consacre désormais au théâtre avait acté son arrêt du cinéma par ces mots : « J’ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est. (...) Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir. » (...)