John Tolan, professeur émérite à l’université de Nantes et historien se retrouve au cœur d’une polémique portée par l’extrême droite. Dans une lettre envoyée à deux ministres, il dit son inquiétude pour l’indépendance de la recherche.
Est visé son projet de recherche sur l’influence du Coran dans l’histoire intellectuelle de l’Europe médiévale et moderne – menée en commun avec une trentaine de confrères européens. Selon la chargée de recherches, il est favorable à l’idéologie des Frères musulmans. Cette dernière parle sur le réseau social X d’une " islamisation de la connaissance ". Une polémique qui naît alors qu’un rapport sur les Frères musulmans commandé par l’État a fait l’objet d’un conseil de défense ce mercredi 21 mai à l’Élysée. Les deux auteurs, deux hauts fonctionnaires, concluent à un " entrisme " de cette organisation dans les milieux du sport, de l’Éducation nationale et l’enseignement.
" Elle s’est livrée à des spéculations saugrenues et à des accusations infondées ", écrit l’historien américain dans une lettre au président et directeur général du CNRS le 10 mai dernier, mettant en copie les ministres de l’Éducation Nationale et de l’enseignement supérieur. Courrier qui est pour l’heure resté sans réponse. " Elle se trompe, le projet est en cours depuis 2019 et porte sur la traduction du Coran dans les langues européennes, sur la transmission des connaissances du Coran en Europe »," explique John Tolan, ajoutant : " C’est un projet scientifique, financé par le conseil européen de la recherche ". " Il faut vraiment ne pas connaître mes travaux pour avoir une telle idée »," ajoute-t-il.
« C’est l’indépendance de la recherche qui est visée » (...)
Depuis plusieurs jours, l’information est en effet récupérée et portée par le Rassemblement National qui accuse le projet de " prosélytisme ". « Quand on dit Coran en Europe, pour l’extrême droite, on est forcément de mèche avec les Frères Musulmans », ironise l’historien. « Justement, faire de l’Histoire permet de combattre les mythes historiques sur lesquels les extrémistes de tout bord vont construire leur idéologie », rétorque-t-il. « Il faut défendre la recherche, pour empêcher que la chasse aux sorcières que connaissent les universités américaines ne gagne l’Europe », prévient dans sa lettre John Tolan.
Ce dernier peut compter sur le soutien de nombreux collègues chercheurs et de Nantes Université, tous signataires d’une tribune " Nous sommes fiers de travailler avec John Tolan ". Une plainte pour diffamation serait également en passe d’être déposée par l’université nantaise, selon John Tolan. L’historien peut aussi compter sur un appui de la métropole nantaise, qui accueille en ce moment et jusqu’à la fin août une exposition à la médiathèque Jacques Demy de Nantes portant sur le Coran dans l’Europe médiévale. (...)