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À Toulouse, l’été sans accès à l’eau des oubliés de l’État
#Toulouse #SansAbri #eau #canicules #migrants #immigration
Article mis en ligne le 9 septembre 2025
dernière modification le 4 septembre 2025

À Toulouse, où l’invisibilisation croissante des publics à la rue complique leur accès aux droits, de nombreux occupants de lieux de vie informels ont dû affronter les fortes chaleurs avec un accès à l’eau fortement restreint. Reportage.

Un rond-point dans le quartier de Balma-Gramont, à Toulouse (31), 19 heures, 36 degrés – La routine dans la ville rose : depuis le début de l’été, le département a traversé deux épisodes caniculaires, soit l’équivalent de cinq semaines au-dessus des 30 degrés, avec même neuf jours au-dessus des 40 degrés. Au pied d’un appart’hôtel tout confort, les bouteilles d’eau vides s’accumulent dans le caddie de Gorgi et Torka, un couple de Bulgares ayant élu domicile sur un terrain en friche.

N’ayant aucun accès à l’eau courante, il leur faut acheminer les bidons jusqu’à une borne située à une trentaine de minutes à pied. « On a besoin de rien », assure le couple. Pour s’en convaincre, il suffit de lever les yeux. Des cahutes qui rissolent sous le soleil déclinant, des vélos, un barbecue et de fines cigarettes grecques consumées enchaînées sur la terrasse : on dirait le Sud. Un autre Sud, quand même : ici, ce ne sont pas les godets, mais les jerricans qui se vident. L’impassible Gorgi, prévenu de l’arrivée des packs d’eau livrés par l’association d’aide aux migrants Utopia 56, se lève d’un bond pour accueillir Myrtille et Bruna, deux bénévoles.

Durant toute la saison estivale, la vingtaine de membres de l’association a multiplié les maraudes à bord d’un Berlingo blanc, sur la quinzaine de lieux de vie informels qu’elle est parvenue à identifier. Et a rapidement tiré un constat alarmant : de nombreuses personnes n’ont pas accès à l’eau. « Ou alors c’est très compliqué », dit Mathilde, une des deux coordinatrices de l’association, à Toulouse. Au total, « un quart au moins » d’entre elles rencontre des difficultés d’accès, « parce que les points d’eau potable sont éloignés ou bien la qualité est mauvaise ». (...)

Durant toute la saison estivale, la vingtaine de membres de l’association a multiplié les maraudes à bord d’un Berlingo blanc, sur la quinzaine de lieux de vie informels qu’elle est parvenue à identifier. Et a rapidement tiré un constat alarmant : de nombreuses personnes n’ont pas accès à l’eau. « Ou alors c’est très compliqué », dit Mathilde, une des deux coordinatrices de l’association, à Toulouse. Au total, « un quart au moins » d’entre elles rencontre des difficultés d’accès, « parce que les points d’eau potable sont éloignés ou bien la qualité est mauvaise ». (...)

les quelque 500 personnes suivies à Toulouse par Utopia occupent pour la plupart des terrains vagues ou squattent des bâtiments vacants, affirme Yasmine, une coordinatrice nationale de l’association. Mathilde, coordinatrice de l’antenne toulousaine, complète :

« Et puisque les campements sont toujours plus petits et isolés, plein de personnes nous échappent. Impossible d’avoir une idée précise de ceux qui passent sous les radars, et donc du nombre de personnes à la rue. »

Il existe bien un dispositif de raccordement à l’eau potable des lieux de vie informels, géré par l’ONG Solidarités International depuis 2020 et financé au tiers par la ville et la préfecture. Après le constat en plein Covid-19 que « les consignes de l’agence régionale de santé n’étaient pas applicables pour les personnes vivant dans des habitats précaires sans accès à l’eau », Toulouse a fait figure de ville test, raconte Alexandra Aussage, coordinatrice de la zone Sud pour Solidarités International. (...)

les quelque 500 personnes suivies à Toulouse par Utopia occupent pour la plupart des terrains vagues ou squattent des bâtiments vacants, affirme Yasmine, une coordinatrice nationale de l’association. Mathilde, coordinatrice de l’antenne toulousaine, complète :

« Et puisque les campements sont toujours plus petits et isolés, plein de personnes nous échappent. Impossible d’avoir une idée précise de ceux qui passent sous les radars, et donc du nombre de personnes à la rue. »

Il existe bien un dispositif de raccordement à l’eau potable des lieux de vie informels, géré par l’ONG Solidarités International depuis 2020 et financé au tiers par la ville et la préfecture. Après le constat en plein Covid-19 que « les consignes de l’agence régionale de santé n’étaient pas applicables pour les personnes vivant dans des habitats précaires sans accès à l’eau », Toulouse a fait figure de ville test, raconte Alexandra Aussage, coordinatrice de la zone Sud pour Solidarités International. (...)

Mais entre la réalisation du diagnostic, l’inscription sur la plateforme dédiée, la validation du financement et la fin des travaux, « il faut compter six mois en moyenne, lorsqu’il n’y a pas de complications sur le site ». Bien souvent, c’est davantage que la durée de vie d’un campement ou d’un squat. Celui de la place Papus, par exemple, occupé depuis un peu plus d’un mois par une vingtaine de personnes, ne devrait plus tenir bien longtemps.

Sur place fin juillet, trois associations, qui veulent rester anonymes, affirment que l’eau y a été coupée entre le 8 et le 9 août, soit deux semaines après l’arrivée des occupants. « Ils sont venus à l’aube, pendant que l’on dormait. On s’est réveillé et on n’avait plus rien », témoigne Sabrina, 30 ans, installée dans l’un des immeubles avec ses parents et ses quatre enfants. 38,2 degrés ont été relevés le 9 août à la station météorologique de Toulouse-Blagnac. Le propriétaire des lieux, Toulouse Métropole Habitat, assure que « les fluides ont été coupés avant que les locaux ne soient occupés ». Il vaudrait mieux pour le bailleur, qui dans le cas contraire aurait enfreint la loi (...)

Aucun désinfectant

Grâce à quelques mains habiles, l’eau s’écoule à nouveau sporadiquement des robinets. Mais plus personne n’ose la boire. Bien qu’il soit possible de s’abreuver à la fontaine publique, située à une dizaine de minutes à pied, réaliser les gestes d’hygiène du quotidien relève du parcours du combattant. « Avec la chaleur, des insectes prolifèrent partout, dans les lits, sur les vêtements », détaille Sabrina, une habitante. « Ça fait des semaines qu’on a des boutons et des plaques sur le corps. Avec cette eau, y’a rien à faire. » Alors tous les jours, la matriarche du clan, Mirana – y compris lorsqu’elle revient de ses séances de chimiothérapie – fait son brin de toilette dans la bassine. Dans l’unique douche du bâtiment, elle lave à la main draps et vêtements. Mais à quelques jours de la rentrée, l’angoisse grandit :

« Comment va-t-on faire pour envoyer les petites à l’école douchées, avec des vêtements propres ? »

(...) « L’autre jour, une femme m’a menacée d’appeler la police pendant que je fouillais près d’une poubelle pour revendre [les objets trouvés] au marché. Elle pensait quoi, que ça me faisait plaisir ? Que je ne suis pas assez embarrassée comme ça ? » Elle relève la tête, scrute les murs grignotés par la moisissure :

« L’été, c’est pire. »

Son mari, Gentian, sourit poliment. Venu en France pour soigner son hépatite B et une cirrhose, il attend depuis quatre ans un titre de séjour et un logement, réclamés également, avec insistance, par sa médecin. Les certificats s’empilent dans une pochette. « Quelle catastrophe, quand même », résume Albana.
Une consommation risquée

Au Sud, autres étrangers, même galère (...)