Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
À Soueïda en Syrie, les Druzes manifestent contre Israël et interpellent le nouveau pouvoir de Damas
#Syrie #Israel #Damas #Druzes
Article mis en ligne le 28 février 2025
dernière modification le 27 février 2025

Plusieurs centaines de personnes de la communauté druze ont manifesté mardi contre les déclarations du premier ministre israélien exigeant la démilitarisation du sud du pays. Les manifestants ont aussi adressé une mise en garde au pouvoir de Damas sur la dissolution des factions armées.

(...) Dimanche, lors d’une cérémonie militaire de remise de diplômes, Benyamin Nétanyahou a menacé le nouveau pouvoir syrien. « Prenez note : nous ne permettrons pas aux forces de HTC ou à la nouvelle armée syrienne d’entrer dans la zone au sud de Damas », a-t-il déclaré, à l’attention de l’organisation Hayat Tahrir Al-Cham, menée par Ahmed al-Charaa qui a renversé, avec d’autres factions, Bachar al-Assad et pris le pouvoir dans la foulée, avant de s’autodissoudre pour former la nouvelle armée nationale syrienne.

En décembre, profitant du chaos après la chute de l’ancien régime, Israël avait mené une campagne massive de bombardements sur les installations militaires à travers le pays, alors qu’au sol, ses troupes étendaient leur emprise sur le territoire syrien depuis le plateau du Golan, illégalement occupé depuis 1967 et annexé de fait en 1980. « Nous exigeons la démilitarisation complète du sud de la Syrie dans les provinces de Kuneitra, Deraa et Soueïda par les forces du nouveau régime. De même, nous ne tolérerons aucune menace contre la communauté druze du sud de la Syrie », a-t-il ajouté.

Ces propos ont suscité de vives réactions en Syrie, notamment chez les Druzes, minorité religieuse qui pratique un culte ésotérique dérivé de l’islam chiite et dont les membres sont établis majoritairement dans la région montagneuse de Soueïda mais aussi au Liban, en Jordanie et en Israël. À l’appel de syndicats, d’associations de la société civile et d’individus, des rassemblements ont été organisés dans plusieurs villes du pays. À Soueïda, ces organisations se sont structurées lors du mouvement de protestation lancé en août 2023 contre le coût de la vie avant que ses revendications ne s’attaquent à l’ancien régime. (...)

Silence du pouvoir de Damas

Depuis les déclarations de Benyamin Nétanyahou, le silence du nouveau pouvoir damascène a fait grand bruit dans la communauté druze. « Il faut une déclaration claire des autorités », réclame Muhsina al-Mahithawi, économiste et politicienne native de la région, annoncée comme la nouvelle gouverneure de Soueïda mais qui n’a en réalité pas été confirmée à ce poste par le pouvoir de Damas. Comme de nombreux Druzes, elle ne cache pas son inquiétude vis-à-vis de l’idéologie religieuse prônée par Hayat Tahrir Al-Cham. Elle appelle tout de même à une unification du pouvoir avec cette dernière. « Ici, il n’y a aucune sécurité, c’est le chaos. Il y a des comportements intolérables et les armes devraient être organisées sous le contrôle d’une seule armée. » (...)

Soueïda a progressivement acquis une forme d’autonomie, concédée timidement par le régime aux Druzes (environ 3 % de la population nationale) pour s’acheter la paix sociale. Mais la région est devenue le lieu de tous les trafics, de la contrebande de carburant aux enlèvements contre rançon. (...)

Près de trois mois après la chute du régime, les factions armées locales, dont la puissante « brigade des hommes de la dignité », temporisent, scrutant les premiers pas du gouvernement transitoire. « De manière générale, je suis opposée à l’idée que les factions gardent leurs armes mais je dois avouer que les déclarations de Nétanyahou et le silence de notre gouvernement me font penser différemment », explique Muhsina al-Mahithawi, affirmant s’exprimer en tant que citoyenne.

Fin janvier, les nouvelles autorités ont ordonné la dissolution de toutes les factions armées mais dans les faits, les groupes d’autodéfense de Soueïda n’ont toujours pas rendu les armes. La décision est entre les mains du cheikh Hikmat al-Hijri, plus haut dignitaire des Druzes syriens, qui a rencontré des émissaires des nouvelles autorités de Damas. (...)

« Comment pourrions-nous rendre nos armes sans garantie ? Pour le moment, nous les gardons pour protéger nos terres et nos familles », cingle le cheikh Samih al-Resheh, proche de Hikmat al-Hijri. « L’absence de réponse de la nouvelle administration est une raison de ne pas rendre les armes car nous devons pouvoir nous défendre et prendre nos propres décisions pour protéger nos terres. Jusqu’ici nous n’avons pas confiance dans les nouvelles autorités pour cela », ajoute-t-il, précisant qu’il apporte tout de même son soutien aux nouvelles autorités dans l’espoir de voir advenir un accord. (...)

En fin de journée, à Damas, la conférence de dialogue national, réunissant plus de cinq cents personnes issues d’horizons politiques, sociaux et régionaux différents, s’est conclue par une déclaration commune soulignant, entre autres points, le « rejet des déclarations provocatrices du premier ministre israélien » et condamnant « l’intrusion israélienne dans les territoires syriens ».

Plus tard dans la nuit, l’État hébreu a mené des frappes sur le territoire syrien sur plusieurs sites militaires. (...)

Des sources locales, citées par les médias syriens, rapportaient des mouvements de troupes au sol. En dehors de timides condamnations, les nouvelles autorités de Damas n’ont pourtant jamais menacé Israël.