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Mediapart
À Saint-Denis, une mobilisation citoyenne s’organise face aux violences policières
#violencespolicieres #SeineSaintDenis #JO2024 #StopViolencesPolicieres
Article mis en ligne le 6 août 2024
dernière modification le 4 août 2024

Le collectif Stop violences policières à Saint-Denis mène des maraudes pour sensibiliser les habitants à leurs droits face à la police. Il dénonce la « militarisation » de la ville, encore accrue pendant les Jeux olympiques.

Dans le square Roser, proche de la gare du RER B, une femme est assise sur un banc, son bébé sur les genoux. Deux fillettes jouent sur des rollers et une trottinette devant elle. Les militant·es lui tendent un tract et lui expliquent l’objet de la maraude. Elle se montre ravie et engage la discussion, qui porte rapidement sur une interpellation qu’elle a subie il y a trois ans. « C’était sur l’avenue du Président-Wilson. Je me suis fait arrêter au volant alors que j’avais consommé de l’alcool, mais l’interpellation a dégénéré », se remémore Sonia.

Elle décrit une scène de violence qui se solde par une décharge de taser dans la cuisse. S’ensuit une longue garde à vue, dans des conditions inhumaines. « J’étais menottée au commissariat, j’ai été humiliée, insultée et frappée », souffle la jeune maman, qui n’a pas souhaité porter plainte. (...)

Lors de la maraude, presque chaque passant·e y va, comme Sonia, de son anecdote. Si ce n’est pas une interpellation violente, ce sont des contrôles d’identité musclés, parfois à répétition, voire des violences, des passages à tabac, que les Dionysien·nes ont subis ou auxquels ils et elles ont assisté. Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, même les grands-mères, semblent partager la même analyse des agissements de la police dans le quartier et le climat de peur qui en découle. Un sentiment de crainte de voir un proche, un fils se faire prendre à partie, finir au poste ou pire.

Il faut dire que le quartier garde le traumatisme de plusieurs épisodes d’une grande violence. En avril 2021, Yanis, un jeune homme de 20 ans, était plongé dans le coma après un accident de scooter survenu alors qu’il était poursuivi par la police. Début juin, le jeune homme perdait la vie des suites de l’accident. (...)

En juillet 2023, durant les révoltes urbaines survenues à la suite de la mort de Nahel Merzouk à Nanterre, tué d’une balle tirée à bout portant par un policier, des affrontements avaient essaimé dans le quartier de La Plaine. Mehdi, 21 ans, proche de Yanis, mort deux ans plus tôt, y avait perdu un œil, après un tir policier de lanceur de balles de défense (LBD) au visage. (...)

ces événements sont surtout la face émergée de l’iceberg. Les habitant·es décrivent un quotidien émaillé de contrôles à répétition, d’humiliations et de déshumanisation. (...)

Un sentiment d’insécurité des habitants vis-à-vis de la police (...)

Candidat aux municipales en 2020, le chef de file de La France insoumise (LFI) à Saint-Denis s’est joint à l’équipe de maraude ce mercredi soir « en tant que simple citoyen ». « Je rencontre tous les jours des gens qui sont bafoués dans leurs droits, constate le Dionysien. Dans les quartiers est et nord, les jeunes se regroupent dans l’espace public et sont constamment embêtés par la police. »

Lili*, qui milite dans le collectif Vérité et Justice pour Yanis, créé à la suite de la mort du jeune homme, et dans le collectif Stop violences policières à Saint-Denis, abonde : « On constate une forme de résignation. J’ai l’impression que les jeunes ne sont même pas dans un rapport de défiance, de provocation ou de virilisme. La plupart du temps, ils attendent juste que ça passe. »

Tous deux décrivent une présence policière toujours plus forte dans la ville de Seine-Saint-Denis. (...)

« Il y a tellement d’agents, que ce soit de la municipale ou de la nationale, que dès qu’il se passe quelque chose, ils sont vite très nombreux sur les lieux et la tension peut monter très vite » (...)

La politique ultra-sécuritaire de la mairie socialiste

Depuis son accession à la mairie lors des élections municipales de 2020, le socialiste Mathieu Hanotin a drastiquement renforcé sa police municipale. En l’armant d’abord, puis en recrutant massivement, allant jusqu’à tripler ses effectifs en quelques années (...)

Gérald Darmanin, à l’occasion de son point presse sur la sécurité le 2 août, a félicité le maire de Saint-Denis pour l’effort sécuritaire impulsé dans sa ville et promis que celui-ci perdurera après les Jeux, avec un héritage en police et en vidéosurveillance. (...)

Une politique du tout-sécuritaire qui s’accompagne d’une explosion du nombre de caméras de vidéosurveillance dans l’espace public de la ville. (...)

C’est dans ce contexte que s’est créé le collectif Stop violences policières en 2022. Il est né d’une convergence entre le collectif Vérité et Justice pour Yanis et d’autres groupes militants et collectifs citoyens de la ville. (...)

L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques dans la ville a servi de catalyseur à ces politiques sécuritaires et permet de les justifier. La présence policière, drastiquement accrue pendant l’événement, laisse craindre aux Dionysien·nes une recrudescence des mauvais traitements. (...)

Et la surprésence policière va aussi avec son lot de nuisances. « Ça bombarde dans la ville avec les gyrophares, les sirènes, des vitesses excessives. Puis il y a ces points de contrôle partout. Je vais au parc, il faut que je fasse un détour. C’est opération palabres, il faut tout le temps discuter et se justifier », décrit Bally Bagayoko, un brin excédé.

Les inquiétudes du collectif quant à l’événement résident aussi et surtout dans la présence massive de jeunes policiers venus de diverses régions de France, peu formés et pas habitués à travailler dans des quartiers populaires. Les lois d’exception mises en place pour les JOP laissent aussi craindre une plus grande liberté d’action des forces de l’ordre.

À Saint-Denis, aux abords des lieux de compétition, une réquisition du parquet de Bobigny donne un blanc-seing pour effectuer des contrôles d’identité au bon vouloir des policiers. Habituellement, les forces de l’ordre doivent suspecter la commission d’une infraction pour y procéder.

Une mesure qu’a pu expérimenter l’équipe de maraude. (...)

S’est ensuivi un contrôle d’identité qui a duré plus d’une demi-heure. Les forces de l’ordre finiront par expliquer qu’elles avaient pris le groupe pour des militants écologistes qui préparaient une action contre les JOP.

Finalement, le petit groupe pourra repartir libre, avec la promesse d’être surveillé tout le reste de la journée. La maraude est annulée. Les militant·es vont à la place s’installer sur le bord du canal pour débriefer la séquence. Pendant une heure, le groupe sera épié par la police et pris en photo par des agents avec leurs téléphones portables à plusieurs reprises. (...)

La police dépasse le racisme du corps pour passer à un racisme de classe et voit tout groupe militant comme un adversaire » (...)

Le collectif Stop violences policières exprime par ailleurs sa crainte de voir perdurer les mesures d’exception mises en place pendant la période olympique. (...)