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À la veille de la réforme de la sûreté nucléaire, pourquoi rien ne va
#nucleaire #ASN #IRSN
Article mis en ligne le 1er janvier 2025
dernière modification le 31 décembre 2024

Direction déjà controversée, expertise invisibilisée, réforme opaque... Les mauvais signaux s’accumulent avant la fusion de l’ASN et de l’IRSN. Les deux organismes du nucléaire seront réunis au 1er janvier.

Que ressent-on lorsque l’on quitte son bureau à la veille de congés obligatoires, en sachant que l’organisation pour laquelle on travaille n’existera plus le 1er janvier ? Inquiétude, colère, tristesse et amertume, répondraient sans doute les quelque 1 800 salariés de l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Ce dernier va fusionner, au 1er janvier 2025, avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cela va former l’ASNR, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Actuellement, les salariés de l’Institut produisent des expertises techniques. Exemple : tel matériau utilisé pour la cuve d’un réacteur nucléaire peut-il résister à des températures élevées ? L’ASN, elle, contrôle les exploitants et prend des décisions les concernant, en tenant compte de l’avis de l’Institut parmi d’autres : arrêt ou redémarrage d’une unité de production, remplacement d’une pièce, etc. Une organisation duale trop lourde et lente selon Emmanuel Macron, qui a souhaité, envers et contre tous, réunir les deux organisations dans une entité unique pour faciliter la mise en œuvre du programme de construction de six nouveaux EPR2.

La fusion a été menée au pas de course : à peine plus de six mois entre la promulgation de la loi le 21 mai dernier et la création de l’ASNR le 1er janvier 2025. (...)

À quelques jours de l’échéance, les mauvais signaux pour la sûreté nucléaire s’accumulent.

Une direction déjà contestée

Officialisée par décret le 4 novembre, la nomination de Pierre-Marie Abadie, auparavant directeur général de l’Andra, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, fait craindre un conflit d’intérêts, selon Maxime Laisney, député La France insoumise (LFI) de Seine-et-Marne. (...)

De l’ouverture à la société... à la communication

Si, dans les premiers temps, la plupart des services ne seront que juxtaposés, la réorganisation de l’ASNR a commencé. Le service des politiques d’ouverture à la société a ainsi été rattaché à la direction de la communication. (...)

Une expertise invisibilisée

Le premier jet du règlement intérieur de l’ASNR prévoit que les expertises rédigées par les personnels issus de l’Institut soient publiées en même temps que les décisions de ce dernier, et non plus un mois après avoir été livrées au gendarme du nucléaire comme actuellement. Au risque de noyer le poisson : en effet, publier l’expertise en amont incite davantage la presse à s’en emparer — surtout si elle est critique — et peut mettre la pression au décideur. (...)

Un affaiblissement de la recherche

L’Institut disposait de trois pôles de recherche : santé, environnement et sûreté, unité qui intégrait un groupe sciences humaines et sociales. Or, « l’ASN a absorbé l’IRSN pour faire face au surplus de travail occasionné par la relance du nucléaire. J’ai de grandes craintes que tous les pans de recherche de l’IRSN sur l’impact des faibles doses sur les travailleurs du nucléaire et les riverains des installations, la radioprotection des praticiens de santé… passent par pertes et profits », a dit redouter Maxime Laisney.

Partageant les mêmes inquiétudes, l’intersyndicale de l’Institut a réclamé dans une lettre ouverte que le conseil scientifique de l’ASNR soit doté de pouvoirs plus importants et qu’il puisse s’autosaisir et être saisi par les instances représentatives du personnel. (...)

Une réforme opaque

L’opacité du processus alimente aussi les préoccupations. Le 20 novembre, douze parlementaires, parmi lesquels Maxime Laisney, ont envoyé un courrier à l’ex-Premier ministre Michel Barnier. Ils y réclamaient la levée du secret sur le rapport rédigé par Daniel Verwaerde, ancien administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), sur la base duquel Emmanuel Macron a décidé la fusion. (...)

Pour l’élu, cet enchaînement de mauvais signaux le confirme : « Cette réforme a été faite pour de très mauvaises raisons : pour que le chef de l’État décide de tout en matière de nucléaire civil, et que sa décision s’applique jusqu’au dernier échelon sans enquiquiner les exploitants. » (...)