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Mediapart
À la veille de la COP29, l’Azerbaïdjan muscle sa répression contre les militants pro-climat
#COP29 #Azerbaidjan #repression #multinationales #urgenceclimatique #ONG
Article mis en ligne le 11 octobre 2024
dernière modification le 8 octobre 2024

Selon les ONG Human Rights Watch et Freedom Now, le pays hôte des prochaines négociations internationales sur le climat a muselé ces derniers mois des voix critiques de l’industrie pétrogazière. Le secteur représente la moitié du PIB de cet État dirigé d’une main de fer par Ilham Aliyev.

Après l’Égypte sous le joug du maréchal Sissi en 2022, puis les Émirats arabes unis l’an dernier, c’est au tour d’un autre régime autoritaire, l’Azerbaïdjan, tenu d’une main de fer par Ilham Aliyev, d’accueillir la prochaine Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP29), qui se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre.

Dans un rapport publié mardi 8 octobre, les ONG Human Rights Watch (HRW) et Freedom Now révèlent comment, à quelques mois de la COP29, la répression à l’égard « des activistes de la société civile, des journalistes et des défenseurs des droits humains » s’est accentuée dans l’État du Caucase.

Entre juin 2023 et septembre 2024, les deux structures ont mené des entretiens avec une quarantaine d’avocat·es azerbaïdjanais·es, des proches de détenu·es, des journalistes et des dirigeant·es d’ONG de cette ancienne république soviétique de 10 millions d’habitant·es.

Au total, le rapport documente trente-trois cas récents de poursuites pénales ou de détention « motivées par des considérations politiques et [qui] suivent des méthodes abusives et bien établies que le gouvernement utilise depuis de nombreuses années pour restreindre la liberté d’expression et la liberté d’association dans le pays ».

Étouffer le militantisme climatique (...)

« Depuis l’annonce en novembre 2023 de l’organisation de la COP29 à Bakou, on observe sur le terrain une intensification de la répression, confirme Myrto Tilianaki, de Human Rights Watch. En 2022, la production de pétrole et de gaz représentait la moitié du budget de l’État azerbaïdjanais. Difficile dès lors pour les journalistes ou les militants de critiquer le président Ilham Aliyev, qui a qualifié de “cadeau des dieux” les gisements pétrogaziers du pays. »

Alors que l’Azerbaïdjan a prévu le doublement de ses exportations de gaz vers l’Union européenne d’ici à 2027, et que les hydrocarbures représentent 92 % de ses recettes d’exportation, « l’activisme climatique, avec sa critique inhérente de l’industrie fossile, est extrêmement risqué en Azerbaïdjan », résume le rapport de Human Rights Watch et Freedom Now.

Les deux organisations éclairent notamment le cas du défenseur des droits humains et de l’action climatique Anar Mammadli, connu en Azerbaïdjan pour avoir lancé dès 2006 une ONG qui milite pour la tenue d’élections libres. Placé en détention provisoire depuis le 30 avril 2024, il a été accusé de contrebande de devises étrangères dans le pays. Deux mois avant son arrestation, il avait confondé la Climate of Justice Initiative, une plateforme associative de défense des libertés civiques et de la justice environnementale dans le cadre de la COP29. Anar Mammadli risque jusqu’à huit ans d’emprisonnement s’il est reconnu coupable. (...)

Autre cas d’étouffement du militantisme climatique documenté dans ce rapport : les poursuites pénales engagées contre l’économiste et militant anticorruption Gubad Ibadoghlu. L’universitaire est notamment reconnu pour ses travaux sur la corruption dans le secteur pétrogazier azerbaïdjanais et sa critique de l’industrie fossile. Il a été arrêté en juillet 2023, accusé entre autres d’être un faux-monnayeur. Actuellement assigné à résidence, Gubad Ibadoghlu risque jusqu’à dix-sept ans de prison. (...)

Le 25 avril, le Parlement européen a adopté une motion dénonçant la répression à l’égard de la société civile dans le pays, dans laquelle il « estime que les violations actuelles des droits de l’homme en Azerbaïdjan sont incompatibles avec les préparatifs du pays en vue d’accueillir la COP29 ».

Or, comme le précise Myrto Tilianaki, « le secrétariat de l’ONU Climat refuse depuis trois ans de nous donner en amont l’accord-cadre qui régit l’organisation des COP par les pays hôtes. Amnesty International a obtenu cet été celui signé l’an dernier avec les Émirats arabes unis pour la COP28 et il était très vague quant à la protection et la liberté d’expression des participants issus de la société civile. C’est très inquiétant ». (...)

En attendant, pour les négociations climatiques de novembre prochain, la présidence azerbaïdjanaise de la COP29 n’a toujours pas mentionné dans ses déclarations publiques comme dans son agenda de travail l’abandon des énergies fossiles, pourtant acté lors de la COP28 de Dubaï.