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Mediapart
À la base, le NFP n’est pas un long fleuve tranquille
#NFP
Article mis en ligne le 23 octobre 2024
dernière modification le 20 octobre 2024

Des comités qui dépassent les partis germent dans les circonscriptions du Bas-Rhin, autour de Strasbourg, où la gauche a fait un grand chelem aux dernières législatives. Mais leur volonté d’exemplarité en matière d’unité se heurte à l’essoufflement militant.

Dans le Bas-Rhin comme ailleurs, les militant·es de base qui rêvaient de faire vivre la coalition au-delà des législatives se heurtent à la dure réalité du ressac, sous le double effet des combines macronistes et du manque de volontarisme des partis de gauche à cultiver leur unité. (...)

De l’espoir à l’impuissance

En aparté, Astrid Montavon et Raymond Ruck se remémorent la dynamique de la campagne, quand des jeunes et des moins jeunes se présentaient chaque jour spontanément pour tracter et faire du porte-à-porte. Le socialiste désigné candidat du NFP, Thierry Sother, était certes un opposant à la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), hostile à La France insoumise (LFI) et même à la maire écologiste de Strasbourg, mais qu’importe. Le légitimisme des militant·es alsacien·nes a fonctionné à plein.

La « bonne surprise » de sa victoire les a récompensés (...)

Quatre-vingt-dix personnes se sont inscrites au comité de base naissant – une majorité n’indiquant pas d’appartenance partisane. Mais depuis, le rouleau-compresseur macroniste a fait son effet. Le refus d’Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets à Matignon, la nomination de Michel Barnier, l’échec de la procédure de destitution qui n’a même pas pu être débattue dans l’hémicycle et désormais la perspective d’une nouvelle loi immigration ont sonné les militant·es. « Face à ce président, j’ai peur qu’on ne puisse plus rien faire », souffle un membre du comité de base, présent à l’AG du 17 octobre, qui avait des airs de thérapie collective. (...)

. « Cette cohésion du NFP était presque miraculeuse. Compte tenu de l’expérience de la Nupes, je me suis dit qu’il fallait la renforcer. Mais l’attitude des partis depuis est conforme à ce qu’ils ont toujours été : ils ne pensent qu’à leur quête d’hégémonie », regrette Raymond Ruck. « Chacun veut rester maître dans sa chapelle, mais il ne faut pas que le sentiment du risque d’une arrivée au pouvoir du RN se dilue », abonde Astrid Montavon.
Le désengagement des partis

Pourtant, leur exemple a commencé à faire des émules. Dans la circonscription voisine, celle de l’Insoumis Emmanuel Fernandes, des militant·es LFI travaillent également au renforcement d’un comité de base du NFP. (...)

le contexte politique pèse sur le moral. L’enchaînement des campagnes électorales, l’ascenseur émotionnel de la victoire confisquée, les manifestations pour la destitution ou en soutien de la Palestine épuisent. « C’est du foutage de gueule : un vote a donné une majorité relative au NFP et Macron s’assoit dessus », répète Bernard Sibieude, un des Insoumis qui fait le lien avec le comité de base de la circonscription voisine. « La situation n’est pas très favorable mais il faut se battre maintenant, que les gens ne nous voient pas apparaître que la veille des élections. Il faut poursuivre la conversation pour que la prochaine fois nous ayons la majorité absolue », affirme-t-il. (...)

Malheureusement pour eux, les élections municipales de 2026 risquent de fracturer un peu plus la gauche et les cadres des partis ne voient pas vraiment d’un bon œil leurs initiatives autonomes. Raymond Ruck raconte que quand il a expliqué dans un meeting de campagne son intention de créer un comité de base du NFP, le sénateur écologiste local lui a répondu : « Tu veux recréer les soviets. »

Attablé dans un café de Strasbourg, le député LFI Emmanuel Fernandes indique pour sa part « saluer » ces collectifs car « le NFP a vocation à être plus qu’un cartel de partis et à dépasser une période temporelle circonscrite à la législative ». « Il n’y a pas de ressac, mais une sensation de ressac », veut croire celui qui raconte continuer de recevoir de nouvelles adhésions dans sa circonscription. (...)

Il ne peut cependant que constater qu’après le « souffle formidable » du 7 juillet, la nouvelle période est au « repli ». « Si le NFP avait gouverné, et si on avait augmenté le smic comme nous nous y engageons, le pays aurait pu se mettre en mouvement pour défendre ce qui avait été décidé par les urnes. Il est plus difficile de faire émerger un mouvement social dans les circonstances actuelles », euphémise-t-il.

Astrid Montavon en sait quelque chose. L’AG du jeudi 17 octobre a adopté dans la douleur et à une courte majorité la charte du comité de base de la 3e circonscription du Bas-Rhin. Un groupe de pilotage citoyen a été élu. Il revient maintenant aux partis membres de NFP de s’intéresser à cet objet qu’ils ne contrôlent pas pour désigner leurs représentant·es. « On n’a jamais été aussi peu nombreux, alors que c’était un acte fondateur », regrette-t-elle. (...)

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Après l’effervescence de la campagne des législatives, la coalition de gauche stagne à un état embryonnaire. La rivalité entre socialistes et insoumis a figé l’élan unitaire, au grand dam de la base militante. (...)

Au mois de juin, beaucoup ont passé des nuits insomniaques pour suivre les discussions des négociateurs et négociatrices qui ont permis de présenter des candidatures communes dès le premier tour des législatives anticipées. Ils et elles ont vécu la soirée électorale du 7 juillet comme un moment ambivalent : entre satisfaction de voir l’extrême droite mise en échec malgré sa nette progression, et claire conscience d’avoir obtenu un sursis qu’il s’agit désormais de ne pas gâcher.

Depuis, tous les voyants de l’unité sont éteints. Le renoncement de Lucie Castets à être la candidate du NFP à l’élection législative partielle en Isère, annoncé le 18 octobre à l’AFP, est symptomatique de cette panne. L’ex-candidate de l’alliance pour Matignon souhaitait siéger dans le groupe « le plus représentatif de la diversité et de l’union de la gauche » – comprendre le groupe écologiste –, alors que cette circonscription était réservée à La France insoumise (LFI). Impossible pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon.

Alors que le NFP se voulait annonciateur d’un saut qualitatif par rapport à la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), il a donc lui aussi tout d’un cartel de partis qui peinent à se dépasser. « Il n’y a toujours pas d’intergroupe du NFP à l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas un signe très positif, car à l’époque de la Nupes, l’intergroupe était un fer de lance de l’union », regrette Julien Layan, coordinateur national des Jeunes Génération·s et « unioniste » indéfectible.

Le cœur du NFP est ailleurs, entre les mains des chef·fes des quatre partis principaux, qui disent se réunir une fois par semaine en visio, en présence de Lucie Castets, et entravent ainsi les plus unitaires en leur sein.

Ces derniers font la liste des soubresauts qui ont, avant et après l’élection, plombé l’élan initial : la « purge » à LFI au moment des investitures, les atermoiements pour désigner une candidature pour Matignon ou encore les coups de boutoir des autoproclamés « sociaux-démocrates » du Parti socialiste (PS), persuadés de pouvoir « présenter, de façon autonome, un projet pour l’élection présidentielle de 2027 » (dixit François Hollande dans son dernier livre)...
Un duel de leadership entre LFI et le PS (...)

Le NFP ne se fracture certes pas encore complètement, car les parlementaires s’attendent à ce que des législatives anticipées soient à nouveau provoquées et ils ont intérêt à rester unis pour ne pas être balayés. Mais la coalition reste à l’état embryonnaire, comme un accord minimal qui ne parvient pas à grandir, faute de réellement s’ouvrir à la société civile qu’elle a tant louée durant la campagne.
L’accélération du temps politique

Preuve en est la relative absence de Lucie Castets. Celle-ci a réussi à se faire une place à la présentation des propositions budgétaires du NFP, mais difficilement. La laisser occuper trop d’espace reviendrait à sceller l’union, ce que certain·es ne souhaitent pas. « Si le gouvernement tombe, il faudra avoir de nouveau une discussion, je suis prête à honorer l’engagement que j’ai pris le 23 juillet. Si les circonstances évoluent, elles évoluent », concédait-elle récemment sur le plateau de Mediapart.

« Si on veut gouverner, il ne faut surtout pas soustraire [des forces politiques] », ajoutait-elle, inquiète, si ce n’est fataliste. Malgré tout, la haute fonctionnaire continue de multiplier les apparitions – elle participait encore, vendredi, à un meeting avec des député·es du NFP à Limay (Yvelines), en dépit de son renoncement à être candidate à Grenoble (Isère) qui risque de refroidir ses relations avec les Insoumis. (...)

Dans les interstices entre le PS et LFI, un petit regroupement se veut le ciment du NFP, autour de L’Après (le mouvement des « purgés » de LFI), Génération·s et Picardie debout. À la tête des Écologistes, Marine Tondelier tient aussi cette ligne unitaire. Mais leur aptitude à réduire les turbulences à gauche est bien maigre.

Quant à François Ruffin, que beaucoup imaginaient en rassembleur et potentiel candidat commun de la gauche, il a perdu des plumes depuis qu’il a quitté LFI – d’autant plus qu’il n’a pas profité de sa journée de rentrée à Flixecourt (Somme) pour jeter les bases d’un nouveau parti, ce que certains attendaient.

Alors, entre l’aile hollandiste du PS qui reprend des forces et la conviction des cadres insoumis que Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat crédible pour 2027, toutes les conditions sont réunies pour que le NFP explose au sommet. (...)

Alors que le temps politique s’accélère, le NFP est comme tétanisé. Pourtant, toutes et tous le disent : « Il sera trop tard si on attend six mois avant 2027. »