
Le chercheur Simon Fellous et 26 de ses collègues de l’Inrae ont déposé une candidature collective à la présidence de cet institut de recherche agricole. Ils défendent, explique-t-il, un organisme au service de la science et pas de l’agro-industrie.
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), principal institut français de recherche agricole, est-il irrémédiablement dévoué à l’agriculture productiviste ? C’est ce que craint un collectif de 27 personnels de l’Inrae — techniciens, chercheurs, femmes et hommes, travaillant tant du côté des sciences sociales que de la biologie. Fait rare, ils ont décidé de contester la politique de leur institut, qui « échoue visiblement à transformer le système agricole en bout de course ».
Ils l’écrivent dans une lettre commune de candidature collective à la présidence de l’Inrae. L’institut doit renouveler le mandat de son PDG, qui arrive à échéance en octobre prochain. Leur initiative est soutenue par le mouvement Scientifiques en rébellion et l’association Sciences citoyennes.
Cette candidature a été refusée sur un point juridique, car la présidence de l’institut ne peut être collective, leur a expliqué la présidente du comité de sélection. Reste qu’ils continuent de défendre une réorientation des politiques de l’Inrae, afin qu’il se consacre vraiment à la transition agroécologique. Simon Fellous, directeur de recherches à l’Inrae, nous explique ce qui a poussé cette prise de position collective inédite. (...)
Quand la recherche elle-même ou des scientifiques sont attaqués par des intérêts privés, la direction de notre institut a tendance à courber l’échine. On l’a vu encore une fois juste avant le Salon de l’agriculture.
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Il peut y avoir controverse, on peut écouter les éléments tangibles et circonstanciés à mettre en face, mais pas plier face à un lobby ou aux politiques. Ces intimidations peuvent attaquer des gens ad hominem. C’est la responsabilité de notre institut que de que de se positionner et de défendre ces personnes-là ou ces travaux-là
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L’Inrae ne choisit pas, n’assume pas les résultats de ses travaux qui pointent tous vers les mêmes modèles agricoles pour le futur. Ce faisant, il se met plutôt au service du modèle agricole d’avant, très technophile et extractiviste. Cela ne résout ni les questions de souveraineté alimentaire, ni les questions de soutenabilité environnementale, ni les questions de justice sociale en termes de rémunération des agriculteurs ou d’accès à une alimentation de qualité.
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On est tellement occupés à aller chercher des financements, ou dans des contraintes de ressources humaines, qu’on est toujours un peu en difficulté pour mener nos recherches. On n’a pas forcément le contexte, le temps ou l’envie de questionner le système.
Personnellement, j’ai travaillé de nombreuses années sur les questions de biocontrôle — donc l’idée qu’on va trouver des alternatives aux produits phytosanitaires. Mais je ne me rendais pas compte que je travaillais sur le concept français de biocontrôle, inventé par le gouvernement Fillon au tout début des années 2010, qui consistait à remplacer les phytos par une technologie alternative sans refonte des systèmes agricoles. Avec les collègues, on nourrissait l’ancien système alors qu’on croyait participer à la transition agroécologique.
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