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Mediapart
À Clamart, le maire construit un écoquartier sur des sols pollués
#clamart #ecoquartier #pollution
Article mis en ligne le 6 janvier 2025
dernière modification le 4 janvier 2025

Jean-Didier Berger, maire de Clamart, devenu député Les Républicains (LR) des Hauts-de-Seine à la faveur de la dissolution, avait rêvé de créer « le Panorama ». Ce quartier résidentiel haut de gamme est censé attirer les Parisien·nes en mal de nature au bord d’un lac artificiel de deux hectares sur un « site exceptionnel en termes d’urbanisme et de développement durable ».

Ce programme immobilier de plus 2 300 logements, un des plus gros des Hauts-de-Seine, ne cesse de s’étendre. Les résidences « Domaine du lac » et « Esprit du lac » sont vendues à 8 000 euros du mètre carré sur plus de 13 hectares. Mais l’envers du décor est moins glorieux. Car l’écoquartier et son « parc paysager » ont été construits sur un ancien site de recherches d’EDF, spécialisé dans la fabrication de transformateurs électriques au pyralène, substance chimique dangereuse interdite depuis les années 1980.

L’étude d’impact du quartier identifie la présence de PCB, de tétrachloroéthylène, d’hydrocarbures (HAP) et de benzène. Ces polluants sont toxiques, classés cancérogènes avérés ou probables par le Centre international de recherches sur le cancer (CIRC), et persistants dans le sol. Il y a aussi des solvants chlorés, très volatils. (...)

En 2017, le préfet de région avait bien autorisé la construction. Mais avait aussi demandé qu’une étude de risques sanitaires soir réalisée « une fois les aménagements mieux définis afin de vérifier la compatibilité des sols avec les usages futurs ». Les établissements accueillant des populations sensibles, le groupe scolaire et la crèche, devaient aussi faire l’objet d’investigations complémentaires.

Quel est l’état de cette pollution en cette fin 2024 ? L’établissement public territorial Vallée Sud Aménagement – anciennement SPLA-Panorama – ne communique pas les résultats. (...)

Pas davantage d’information non plus pour les 2 000 habitant·es du Panorama concernant les risques posés par le centre historique de recherches du CEA installé de l’autre côté de la rue sur la commune de Fontenay-aux-Roses. Ouvert en 1946, le centre abritait le premier laboratoire d’extraction du plutonium puis fut pionnier dans la fabrication de la pile atomique et le retraitement des combustibles irradiés.

C’est le démantèlement de cette dernière activité, transférée depuis 1995 à Marcoule (Gard), dans une zone moins urbanisée, qui pose problème. Car les sous-sols de la chaîne de retraitement baptisée Pétrus, situé dans le bâtiment 18, abritent des cuves contenant des liquides radioactifs qui ont fui en 1974. (...)

Pour lancer son programme immobilier, le maire devait effectuer une étude d’impact. Celle-ci, réalisée par la mairie de Clamart en 2017, passe sous silence l’existence de la pollution du centre nucléaire. Bien au contraire, elle précise même : « Aucun site BASOL (la base de données des sites et sols pollués) n’est référencé au sein du site EDF ou dans un rayon de 500 mètres. » Le site du CEA est pourtant à moins de 50 mètres.

À l’époque, cette étude d’impact est essentielle et sert de base à l’Autorité environnementale de la préfecture de région qui doit donner son avis sur le projet immobilier du Panorama. Comme elle ne parle pas de pollution nucléaire, l’autorité n’en tient pas compte. (...)

Une dépollution prévue jusqu’en 2050

À l’époque, les élu·es de l’opposition de « Clamart Citoyenne » organisent une manifestation devant le futur quartier et interpellent le maire Jean-Didier Berger. (...)

Les installations nucléaires sont en phase de démantèlement, une étape compliquée. Il y a déjà eu cinq départs de feu répertoriés entre 2012 et 2016. Or les nuages de fumée peuvent déplacer des poussières radioactives : des particules alpha dangereuses si on les respire. (...)

Le député-maire a-t-il informé les parents et les habitant·es du Panorama du plan particulier d’intervention comme le code de sécurité intérieure l’y oblige ? Les élu·es de l’opposition se soucient également de la pollution des sols du nouveau quartier. « Nous voulions vérifier qu’il n’y avait pas de risque pour la population. Mais le maire de Clamart a refusé de nous communiquer les relevés de pollution résiduels », explique David Huynh. Faute de réponse, ces élu·es finissent par saisir en 2021 la Commission d’accès aux documents administratifs.

En juin 2021, ils obtiennent enfin quelques réponses et découvrent deux nouvelles études de pollution des sols qui concernent les futures école et crèche. Effectuées en 2018, à l’emplacement futur des deux infrastructures, elles détaillent les polluants, notamment les gaz contenus dans la terre et les précautions à prendre. (...)

Y a-t-il eu une étude sanitaire globale pour l’ensemble du quartier ? Sollicités, ni le maire, ni les responsables de Vallée Sud Aménagement, ni les services de la préfecture n’ont souhaité répondre à nos questions. Pourquoi le maire a-t-il fait construire une école maternelle et une crèche de 56 berceaux à moins d’un kilomètre du CEA ? En mars 2021, 40 kilos de gravats radioactifs au plutonium, heureusement sans gravité, sont découverts sous une rue, dans le regard d’une ancienne canalisation du CEA, enfouie juste en face du Panorama. En 2023, le directeur du CEA a également signalé 17 événements significatifs sans gravité. Une seule chose est sûre aujourd’hui : la dépollution sera compliquée et il est prévu qu’elle s’étale jusqu’en 2050.