
Depuis avril 2023, Médecins sans frontières est de retour à Calais après avoir suspendu sa présence sur le littoral pendant quelques années. Une fois par semaine, l’ONG médicale accueille les exilés dans une clinique mobile. Maladies respiratoires, plaies, brûlures, troubles de la santé mentale...les équipes médicales y rencontrent toute les pathologies liées à la vie à la rue et en exil.
(...) tous les jeudis matins, l’infirmière accueille, avec un médecin, les exilés qui le souhaitent dans un petit espace de soins aménagé dans ce camion. Grâce à l’aide d’interprètes, ils écoutent et auscultent ces patients qui souffrent de "tous les problèmes liés à la précarité". (...)
"On voit énormément de rhumes, de rhinopharyngites... En fait, les migrants tombent malades et enchaînent les rhumes parce que leurs conditions de vie ne leur permettent pas de vraiment guérir", explique entre deux rendez-vous Michel Rebstock, médecin généraliste en retraite, aujourd’hui bénévole pour MSF.
"Je ne me sens vraiment pas bien"
C’est le cas de Bashar, 18 ans, et Hamza, 23 ans, qui attendent leur tour sur un banc au soleil. Ces deux jeunes Yéménites vivent à Calais depuis deux semaines environ et n’ont rien d’autre que les vêtements qu’ils portent pour se couvrir la nuit. "Je n’ai rien de grave mais je ne me sens vraiment pas bien", résume Bashar. Dans un bon anglais, il explique avoir décidé de tenter sa chance vers le Royaume-Uni après trois ans passés en Allemagne. Arrivé mineur dans le pays, le jeune homme a été scolarisé mais à ses 18 ans, sa demande d’asile a été rejetée et l’administration l’a menacé d’une expulsion vers le Yémen. Bashar a préféré s’enfuir et tenter de rejoindre des amis au Royaume-Uni. (...)
Michel Rebstock raconte voir également beaucoup d’exilés consulter pour des problèmes de peau. "Cet été, on a vu beaucoup de brûlures parce que quand les gens tentent de traverser la Manche, le mélange d’eau de mer et de gazoil provoque des brûlures de la peau au 2e degré, surtout au niveau des jambes", se souvient-il. (...)
Les plaies en tout genre occupent aussi l’équipe médicale. Provoquées par des chutes depuis un camion, des coupures sur des grillages, de longues heures de marche dans de mauvaises chaussures ou même parfois des morsures de chien, elles doivent être prises en charge rapidement pour éviter toute complication. (...)
À l’entrée de la clinique mobile, des affiches alertent sur la nécessité d’une bonne hydratation. Elise Houard en a fait son cheval de bataille. L’infirmière affirme voir de nombreux migrants consulter pour des maux de tête dus à une mauvaise hydratation. Si le sujet semble basique, il représente bien la difficulté de la vie quotidienne à Calais. (...)
Dans la ville, de grosses cuves d’eau potable installées près des campements sont régulièrement remplies par les associations. "Mais les migrants n’ont pas de verre pour boire, et très rarement des bouteilles", constate Elise Houard. Il faut donc boire à un jerricane de trois litres, ce qui est loin d’être pratique.
Parmi les migrants qui demandent une consultation, il y a aussi ceux qui ont besoin de trouver un espace au calme pour parler de leur situation : leurs espoirs d’arriver au Royaume-Uni, leur inquiétude pour leur famille restée au pays, leur peur de disparaître en mer... (...)
Besoin de soins psychologiques
C’est d’ailleurs la question de la santé mentale des exilés qui a poussé MSF à revenir s’installer à Calais en avril 2023, six ans après la clôture de sa précédente mission sur le littoral à la suite du démantèlement de la grande jungle de Calais.
Aujourd’hui, MSF propose des consultations psychologiques qui permettent de compléter celles proposées à la PASS en français, anglais et arabe. Les équipes de MSF tentent de détecter les personnes ayant besoin de soutien psychologique lors de maraudes mais les patients peuvent aussi être adressés à leur psychologue par d’autres associations. "Le rendez-vous peut alors se faire sur le moment [en maraude] si la psychologue a le temps ou plus tard dans nos locaux ou dans une salle associative", précise Feyrouz Lajili, coordinatrice de projet pour MSF à Calais.
Un soutien fondamental à Calais, où de nombreux exilés ont vécu des naufrages en mer. "Il n’y a aucune prise en charge pour les personnes qui ont vécu un naufrage, même si elles ont vu des personnes mourir. Or, elles ont vécu un événement potentiellement traumatisant et pour éviter qu’un syndrome de stress post traumatique ne s’installe sur le long terme, il faudrait une prise en charge psychologique dans les 72 heures après l’événement", souligne Feyrouz Lajili.
L’ONG avait alors demandé l’ouverture d’une cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP), en vain. Ce dispositif créé en 1995 permet pourtant de prendre en charge de manière psychologique un groupe de personnes affecté par une "catastrophe ou événement impliquant un grand nombre de victimes".
Depuis son retour à Calais, MSF a aussi ouvert un centre d’accueil de jour pour mineurs non-accompagnés. Les jeunes peuvent s’y réunir et se reposer quelques heures. De quoi créer du lien et lutter contre une autre grave maladie de l’exil : l’isolement. (...)
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