
Les citoyens, très attendus par les organisateurs, étaient presque introuvables à cette première étape du « tour de France de l’information », à Auxerre. Les journalistes, eux, n’ont pas attendu d’être conviés pour venir imposer leurs inquiétudes et préoccupations.
(...) Auxerre (Yonne).– Chassez les journalistes par la porte, ils reviendront par la fenêtre. Alors que les États généraux de l’information (EGI) devaient mettre les citoyennes et citoyens au cœur de la réflexion, la première étape du « tour de France de l’information » organisée mercredi 29 novembre à Auxerre n’a pas réussi à attirer grand monde... si ce n’est des journalistes.
Pour une initiative – lancée début octobre pour donner corps à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron visant à « protéger l’information libre face aux ingérences » – qui voulait éviter à tout prix de tourner au dialogue « des professionnels de l’information vers les professionnels de l’information », la première tentative est un échec. (...)
Non sans ironie lorsqu’on se souvient que les syndicats représentatifs de la profession, non conviés à la réunion publique de présentation des EGI début octobre, avaient dénoncé leur mise à l’écart, qui avait été immédiatement contestée par les organisateurs sur X. (...)
Pourtant, ce n’est pas par faute de moyens que cette première « agora » des États généraux de l’information n’a pas su attirer les foules. Dès l’arrivée en gare d’Auxerre, les EGI avaient mis le paquet en affrétant des cars pour conduire les participant·es jusqu’au centre de congrès de la ville.
Une fois sur place, un petit-déjeuner avec boissons chaudes et viennoiseries est offert par un traiteur de la région. Puis, on découvre une vaste scène, où sont disposés un pupitre, des canapés et des fauteuils en cuir. Des rangées de strapontins en velours leur font face. Un caméraman et des régisseurs assurent la retransmission en direct de l’événement. Un réalisateur, maître des horloges et du son, chapeaute l’ensemble.
Mais le budget communication semble avoir été le laissé-pour-compte du rendez-vous auxerrois. À l’exception de quelques publications sur les réseaux sociaux et d’un article dans la presse régionale, l’événement n’a pas été davantage publicisé (...)
L’intelligence artificielle, grande préoccupation
Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontière (RSF) et présent en sa qualité de délégué général des EGI, reconnaît qu’il y a un enjeu à « faire connaître les États généraux à l’ensemble des citoyens », quand « la plupart des professionnels sont au courant ». Et pourquoi Auxerre ? « Si on voulait avoir la plus grande affluence, il aurait été plus simple d’organiser les choses comme c’est d’usage à Paris ou dans une métropole, dans la France du TGV. Mais on s’est dit qu’on avait envie d’aller à Auxerre », explique-t-il.
L’homme aux deux casquettes, patron de RSF et des EGI, a ouvert le bal des interventions en posant le thème principal de la journée : « Le bouleversement de la production de l’information » induit par l’essor de l’intelligence artificielle. (...)
Les citoyens, peu nombreux, tentent de prendre la parole quand les journalistes ne la monopolisent pas. L’une des modératrices de la discussion alpague même l’agent de sécurité pour le convaincre de partager ses réflexions sur l’avenir du journalisme. « Tout le monde a un avis sur le sujet », tente-t-elle. L’agent ne bronche pas.
Et pourtant, lorsque les citoyen·nes acceptent de jouer le jeu du dialogue, cela donne lieu à des échanges fructueux, d’où émergent plusieurs constats. Michel, designer à la retraite, venu « parce qu’[il] habite à 4 kilomètres », constate un décalage entre la réalité et le compte rendu que les journalistes en font. Une femme, qui fait notamment de l’éducation aux médias, remarque que les jeunes ne savent pas s’informer, souvent parce que leurs parents « manquent de connaissances ou de recul sur les pratiques d’information ». Un journaliste pose comme autre constat qu’une entreprise de presse n’est pas une entreprise comme les autres.
« Ce ne sera pas le grand soir législatif ». Rima Abdul-Malak, ministre de la culture (...)