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À Abidjan, la détresse d’une mère après la mort de sa fille, partie sans rien dire sur la route de l’exil
#cotedIvoire #Abidjan #migrantes #exil #naufrages
Article mis en ligne le 8 mars 2025
dernière modification le 5 mars 2025

Mariam a perdu sa fille aînée de 20 ans, Zineb, morte noyée en mer Méditerranée. C’était en 2022. Cette mère de famille ivoirienne n’était pas au courant du projet de départ de sa fille vers l’Europe. Un cas peu isolé. Les jeunes du pays prennent souvent la route de l’exil sans en informer leurs proches. Mais quand certains disparaissent, le deuil est difficile pour la famille restée au pays, la culpabilité immense. Reportage.

Quand Mariam a appris la disparition de sa fille en mer Méditerranée, en 2022, elle est enceinte de son huitième enfant. "Enceinte de trois mois", dit-elle en marquant une pause. La douleur est telle qu’elle se met à perdre du sang et doit être transférée d’urgence à l’hôpital. Le bébé, Sally, sera sauvé. "Mais pas mon aînée... Elle est partie", lâche Mariam, le visage brisé.

Mariam ne sait pas exactement quand Zineb est morte. Elle avait 20 ans, et était montée sur un canot pour l’Europe depuis une plage libyenne. Elle aurait dû arriver en Italie, puis rejoindre la France. "Elle voulait être sage-femme", confie Aminata, sa soeur de 17 ans, assise à côté de sa mère et qui brasse énergiquement du mil malgré la chaleur écrasante de la matinée. "Elle voulait réussir et nous envoyer de l’argent". (...)

. Zineb est partie discrètement, avec un cousin, venu la chercher depuis Daloa, dans le centre du pays. Ils avaient construit ce projet ensemble, secrètement. Comme tant de jeunes avant eux, ils voulaient atteindre l’Europe, la France en particulier.

Les deux fugitifs passent ensuite en Libye, avant d’être séparés par des passeurs. Ils partiront en mer mais séparément. Seul, le cousin arrivera vivant en Italie. (...)

Deux ans plus tard, la culpabilité ronge Mariam. Prendre la route de l’Europe est une chose, mais pourquoi secrètement ? Selon les associations ivoiriennes, les candidats au départ n’ont pas d’autres choix. "Beaucoup de jeunes veulent partir, mais ne le formulent pas. C’est très mal vu l’immigration clandestine, c’est tabou", explique Djeneba, une amie de Mariam, membre de l’association Diaspora qui vient en aide aux migrants. "Beaucoup d’Ivoiriens pensent aussi que les parents sont responsables, qu’ils poussent leurs enfants à partir vers l’Europe".

Une double peine pour Mariam. À son chagrin se sont ajoutés les commérages du voisinage. (...)

Comme tous ses voisins, Mariam vit dans la misère d’Abobo Diabou, un quartier pauvre d’Abidjan, avec de nombreuses bouches à nourrir. La famille survit des ménages de la mère et du métier de livreur du père de Zineb. À peine assez pour nourrir tout le monde. Seuls deux de ses huit enfants vont à l’école, Mariam ne peut pas payer la scolarité des autres. La maison constituée de quatre murs en béton et d’une tôle d’acier en guise de toit, ne dispose que d’une grande pièce qui sert à la fois de salon, de chambre et de cuisine pour les 10 membres de la famille. (...)