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L’Humanité
Zéro SDF : c’est possible, et en cinq à dix ans !
Article mis en ligne le 6 février 2018

Le mal-logement s’enracine, la situation des sans domicile s’aggrave, et la suroccupation des habitations est de retour. 15 millions de personnes au total sont touchées en France. Tandis que le gouvernement multiplie les attaques contre les HLM et les allocations, la Fondation Abbé-Pierre rappelle que le mal-logement n’a rien d’une fatalité avec la parution du plan « SDF : objectif zéro ».

Il serait faux de croire que les rapports de la Fondation Abbé-Pierre (FAP) sur l’état du mal-logement se suivent et se ressemblent. Le 23e rapport annuel, publié le 30 janvier, fait ressortir des tendances relativement nouvelles. Et fort inquiétantes.

Le surpeuplement ­ ou suroccupation ­ est de retour après deux décennies de baisse. Un retournement de tendance inédit. Le nombre de personnes qui occupent un logement trop exigu (cinq personnes entassées dans une chambre) a augmenté de 17 % entre 2006 et 2013. Un phénomène minoré, déplore la FAP. Pourtant, ses conséquences sont multiples : augmentation des risques domestiques, impacts sur la santé physique et mentale, difficultés dans le développement et la scolarité des enfants, tensions et violences intrafamiliales...

4 MILLIONS DE MAL-LOGÉS, ASSIGNÉS À LE RESTER
Les mal-logés, plus nombreux, le restent à vie. Et l’espoir d’en sortir s’éloigne, y compris pour leurs enfants. C’est l’autre phénomène, significatif, de la France en 2018, décrypté par ce 23e rapport. (...)

Ainsi, de génération en génération, les plus modestes ne sortent plus de leur HLM ou d’un habitat vétuste dans le privé. Le rapport 2018 de la FAP établit que la baisse de la mobilité résidentielle a affecté surtout le parc locatif social et depuis peu le parc locatif privé. En dix ans, de 2002 à 2013, les déménagements ont diminué, ils sont passés de 30 % à la fin des années 1990 à 26 % en 2013. Une courbe qui correspond à une baisse de l’offre disponible d’environ 400 000 logements par an.

Aujourd’hui, aux 4 millions de personnes qui souffrent de mallogement ou d’absence de logement personnel, il faut ajouter les 12,1 millions de personnes logées, mais fragilisées. Elles doivent se serrer, se saigner, se priver. Plus de 8 millions de personnes sont forcées d’occuper des logements exigus. Plus de 5 millions lui consacrent plus de 35 % des revenus et près de 3 millions ne se chauffent pas.

Pourtant, être sans domicile ou mal logé n’est pas une fatalité. La FAP le démontre avec son plan « Sans domicile : objectif zéro ». Cela relève d’un choix de société, donc d’une volonté politique. Mais, depuis les années 2000, la dérégulation des marchés immobiliers et les failles béantes dans l’aide au logement ont structurellement compromis les chances de sortir du mal-logement, note le rapport dans son chapitre sur les politiques du logement. La Fondation s’inquiète d’autant plus que « deux outils majeurs de la solidarité que sont les APL et les logements sociaux sont malmenés par la nouvelle majorité ».

Le projet de loi sur le logement, qui sera examiné en Conseil des ministres en février, prévoit de ponctionner 7 % des recettes des bailleurs sociaux en 2018 (22 milliards d’euros de loyers perçus par an) et 70 % de leurs investissements (2,2 milliards).

LE POINT DE DÉPART DE LA RÉINSERTION
Il est possible d’en finir avec la privation d’un domicile, la forme la plus violente du mal-logement. La preuve, avec le plan « Sans domicile : objectif zéro », que la Fondation Abbé-Pierre proposait en 2017 aux candidats à la présidentielle. Seul Jean-Luc Mélenchon y avait répondu favorablement et s’était engagé à le suivre.

Un plan zéro sans domicile, plus large que zéro sans-abri, est réalisable sur cinq à dix ans, selon la taille des territoires, explique Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation. « Ce n’est pas seulement un slogan comme l’a fait Emmanuel Macron, promettant, sans en apporter les moyens, qu’il n’y aurait personne dans la rue d’ici à la fin de l’année. »

Pour atteindre cet objectif, il faut changer de philosophie et de paradigme : opter pour le logement d’abord. (...)

« Le programme "logement d’abord" lancé en Finlande a permis de diviser par cinq le nombre de SDF. »

« Le logement doit être le point de départ de la réinsertion et non sa finalité. C’est la clé. Il est illusoire de croire qu’ils peuvent se soigner, se former, se réinsérer, en étant à la rue ou hébergés dans l’urgence », souligne Manuel Domergue. Cela signifie qu’il faut favoriser les solutions de logement plutôt que de multiplier l’hébergement d’urgence, souvent inadapté et coûteux. « Depuis dix ans, le parc d’hébergement d’urgence s’accroît de façon phénoménale et coûteuse. Le gouvernement est fier d’annoncer 14 000 places cet hiver. Et après ? C’est une mauvaise politique. Une fuite en avant. Toutes les études montrent qu’il vaut mieux un logement pérenne. Il faut arrêter de rogner sur le financement du logement », affirme le responsable de la FAP. (...)

en GrandeBretagne : les coupes claires dans les aides au logement ont entraîné une hausse sans précédent du nombre de sans domicile, générant un coût de gestion des sans-abri évalué à 1 milliard de livres par an (1,139 milliard d’euros). Un tel coût n’avait pas été anticipé, comme l’a pointé sévèrement un rapport de la Cour des comptes britannique.

BARCELONE OU LIVERPOOL, VILLES PILOTES
En revanche, les programmes engagés par les municipalités de Barcelone et de Liverpool pour le relogement des sans domicile sont prometteurs. « La France devrait y regarder de plus près », estime le directeur des études de la FAP, qui cite par ailleurs en exemple la Finlande. Son programme « zéro sans domicile », lancé il y a vingt ans, a permis de diviser par cinq le nombre de SDF.

C’est donc possible. Faut-il pour autant que la volonté politique suive. Mais, ces vingt dernières années, les politiques choisies et menées vont à contre-courant. (...)